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Critiques
 Le forum du Guide - Critiques de livres : Littérature : Critiques
Icône du message Sujet: Du bois pour les cercueils, de Claude Ragon Répondre Nouveau sujet
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Shamash
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Depuis le: 11 février 2011 Status actuel: Inactif
Messages: 85
Citer Shamash Réponsebullet Sujet: Du bois pour les cercueils, de Claude Ragon
    Envoyé : 14 février 2011 à 08:44


Prix du Quai des Orfèvres 2011

Présentation de l'éditeur

Le commissaire Gradenne prend froid dans l’hiver du Jura. A la manière de Maigret, enquête « grippée », gendarmes trop « pressés » comme ce corps broyé par la machine…
Quelle idée aussi de confier à des officiers de marine à la retraite le renflouement d’une usine, dans ce « port de mer » sous la neige, au milieu des forêts !
Vous reprendrez bien de cette Morteau, mijotée dans la potée de la veille, accompagnée d’un Poulsard… ? Avec un Comté de plus de dix-huit mois, on vous recommande ce jeune lieutenant de 30 ans d’âge sans beaucoup d’affinage à la PJ, mais avec du… nez, avisé et goûteux !

Broché: 368 pages
Editeur : Fayard
Collection : Policier
Langue : Français
ISBN-10: 2213654700
ISBN-13: 978-2213654706


Mon avis


Pas une seule femme dans les 180 premières pages de ce polar. Le jeune lieutenant Quentin Bruchet est bien censé avoir une copine, mais celle-ci, exilée à Londres, reste invisible pour le lecteur et le restera jusqu’au bout du roman.

Du coup, pendant la lecture, j’échafaudai des hypothèses extravagantes pour tenter d’expliquer le curieux parti pris de Claude Ragon. L’histoire se déroulant dans le massif jurassien que je ne connais que de réputation (et encore ! ), ma première idée fut que Jura devait être une contrée hostile aux femmes et que celles-ci avaient émigré en masse vers des régions plus riantes. Une objection me vint aussitôt à l’esprit : dans ce cas, comment pouvaient bien se reproduire les jurassiens mâles ? Entre eux ? Avec des moyens de procréation modernes ? Virtuels ? J’étais dubitatif, mais c’était à examiner de plus près.

Deuxième hypothèse : il s’agissait pour l’auteur d’un procédé littéraire. Il commençait à écrire ce polar sans une seule femme, et il prévoyait que dans le roman suivant il n’y aurait pas un seul homme. Ainsi la parité serait strictement respectée, tout serait politiquement correct et Claude Ragon ne pourrait être accusé de misogynie ou de misandrie. L’idée était séduisante et j’imaginais déjà un commissariat composé uniquement de femmes flics, des tueurs qui seraient des tueuses, des témoins qui ne seraient que des femmes, des magistrats qui porteraient tous des robes puisqu’elles seraient des magistrates. Je me disais que ça pourrait avoir un certain panache. Hélas, arrivé à la page 183, j’ai dû me rendre à l’évidence : une femme, puis deux, puis trois commençaient à apparaître furtivement dans le roman. Elles n’avaient pas un grand rôle, ne prononçaient qu’une ou deux phrases très courtes puis disparaissaient dans la brume mystérieuse du Doubs en même temps que dans les pages grises du roman. Je dus me rendre à l’évidence : il devait y avoir quelques femmes dans le Jura, tout comme dans le polar de Claude Ragon, même si, dans les deux cas, elles avaient peu d’importance. Un peu déçu, mais malgré tout rassuré sur l’avenir démographique de cette attachante région, j’ai pu alors me concentrer sur l’intrigue.

Celle-ci se déroule dans une usine de transformation du bois, Polybois, située dans un petit village du sud du Doubs. Le directeur, un type vraiment infect, qui a donc beaucoup d’ennemis, a été retrouvé dans l’usine, la tête et les deux mains totalement écrabouillées par une presse à bois. De la purée de tête et de mains, c’est tout ce qui restait du malheureux. Dans un premier temps, l’enquête avait été confiée à la gendarmerie locale. La seule porte apparemment accessible étant fermée de l’intérieur, celle-ci avait conclu à un accident. Logique, ont dû penser les gendarmes : sans doute Bernard Verdoux voulait-il vérifier, pendant que la presse se refermait sur sa tête et sur ses mains, s’il n’y avait pas quelques grains de poussière à nettoyer. C’est un métier dangereux quand on est trop méticuleux.

Coup de chance pour nous, une lettre anonyme arrive chez le procureur et sème le doute dans son esprit : possible, dit la lettre, que ce soit une histoire plus compliquée qu’un simple accident. Notre rusé et avisé procureur décide alors de faire intervenir la PJ pour tenter d’y voir plus clair. Voici donc le jeune Quentin et son patron de commissaire Gradenne partis vers ces contrées fort peu féminisées pour dénouer l’énigme.
Heureusement pour le lieutenant Quentin, qui a besoin de faire ses preuves, Gradenne va être cloué au lit dès son arrivée par la redoutable grippe du Jura, bien connue des explorateurs courageux qui osent s’aventurer dans ces lieux austères. Et c’est lui, bien sûr, qui va alors résoudre l’énigme.

Je peux bien vous le dire dans le creux de l’oreille : la tête et les mains du directeur écrabouillées sous la presse, ça n’était pas un accident, mais bel et bien un meurtre, et dans le fond c’est heureux. Dans le cas contraire, le polar aurait été lourdement plombé et le prix du Quai des Orfèvres serait passé sous le nez de Claude Ragon.

Pendant le cours de l’enquête, nous apprendrons tout, mais vraiment tout sur les procédés qui permettent d’obtenir des panneaux d’aggloméré en partant du bois brut. Panneaux qui peuvent servir à fabriquer des meubles divers ou parfois même des cercueils bas de gamme (d’où le titre du roman). Ce côté documentaire très technique est un des aspects les plus plaisants du livre. Pour le reste, les personnages de Claude Ragon sont désespérément lisses, les dialogues bavards, ampoulés et trop longs. L’auteur a pris le contrepied de la tendance de certains polars dans lesquels le flic, héros de l’histoire, est un type déjanté, mal rasé, alcoolique, douze fois divorcé, dépressif, atrocement mal dans sa peau, mais dont l’intuition géniale et le côté obsessionnel du boulot permettent à la vérité, et parfois à la justice, de triompher.
En soi, ça n’est pas mal de vouloir se démarquer de la mode. Mais le personnage de Quentin est si fade, si terne, si insignifiant, qu’il faut vraiment avoir les neurones bien accrochés pour s’intéresser à son enquête. Pour stimuler l’intérêt du lecteur, il aurait fallu que les personnages présentent des traits de caractère originaux et forts et que les dialogues soient plus nerveux et moins bavards. C’est raté.

Mis à part le côté documentaire, deux choses sauvent tout de même le roman du désastre total : son dénouement, plutôt astucieux, et une intrigue habilement reliée à la guerre d’Algérie et aux exactions commises avant la signature des accords d’Evian par une partie de l’armée française. Tout n’est donc pas à jeter aux orties. En réalité la déception que j’ai éprouvée aurait été moins forte s’il n’y avait pas eu ce gros bandeau rouge sur la couverture : « prix du Quai des Orfèvres 2011 », qui a créé chez le lecteur naïf que je suis une attente de qualité littéraire non satisfaite. Le minimum qu’on peut exiger en effet d’un prix littéraire, c’est qu’il soit bien fait, que ce soit du bon boulot d’artisan : ici, ce n’est pas le cas. Visiblement, le jury a fait un mauvais choix. Evidemment, le fait qu’il soit placé sous la présidence du directeur de la PJ , n’est pas forcément un gage de qualité littéraire ! De plus, la composition même de ce jury reste fort énigmatique. Impossible d’en savoir plus sur ses membres. Pourquoi ? Que cache ce mystère ? Une enquête est lancée. Espérons qu’un polar sera écrit, qui donnera des éclaircissements définitifs sur le sujet. Espérons qu’il sera de bonne qualité. Et espérons enfin qu’il sera lauréat du prix du Quai des Orfèvres. La boucle sera bouclée et l’honneur du prix sera sauf.

J'ai pris un cours de lecture rapide et j'ai pu lire "Guerre et Paix" en vingt minutes : ça parle de la Russie. (Woody Allen) lectures et chroniques
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* Ça *
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Citer * Ça * Réponsebullet Envoyé : 15 février 2011 à 08:44


Ces bandeaux sont plus souvent qu'autrement une plaie. Ils créent toujours une attente qui est trop souvent déçue.
Pour le personnage principal, c'est effectivement presque banal et redondant le rôle du gars archi amoché par la vie, et peut-être qu'à trop en voir on trouve l'opposé trop fade, mais où se situe le juste milieu?

Dans un autre ordre d'idée il y a pas à dire, tu te défends drôlement bien de la plume! Mais ce n'est sûrement pas une nouvelle pour toi.
Je trouve très intéressant de te lire. J'aurais toutefois une petite demande à te faire, histoire de garder l'uniformité de la section. Tu me ferais plaisir en mettant une cote sur 5 pour cette lecture. Tu peux utiliser ou pas les étoiles avec demie qui se trouvent parmi les émoticons à gauche de l'encadré du message lorsque tu écris. Message que tu peux éditer en tout temps.

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Shamash
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Citer Shamash Réponsebullet Envoyé : 15 février 2011 à 09:41
Merci Ça, heureux que la critique te plaise !
Mon oubli est corrigé, j'ai mis les étoiles.
Sinon, pour le personnage qui m'a semblé bien fade et bien lisse, il est probable que c'est lié à l'écriture elle même. Pour susciter l'attente et l'intérêt chez le lecteur, il n'est pas forcément nécessaire que le personnage fasse des choses extraordinaires ou ait une personnalité hors du commun : Maupassant est arrivé à nous rendre passionnante la vie de Jeanne dans son roman "Une vie", alors que la personnalité de celle-ci était plutôt banale, et sa vie itou. Mais... c'était Maupassant !
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denis76
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Citer denis76 Réponsebullet Envoyé : 16 février 2011 à 05:34
Shamash, bienvenue ici !

On est souvent moins déçu par les auteurs que l'on choisit, et dont on lit l'oeuvre intégrale, que de se jeter sur les livres à bandeaux !

Enfin, c'est mon avis !
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* Ça *
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Citer * Ça * Réponsebullet Envoyé : 18 février 2011 à 05:38
Message posté par Shamash

... pour le personnage qui m'a semblé bien fade et bien lisse, il est probable que c'est lié à l'écriture elle même. Pour susciter l'attente et l'intérêt chez le lecteur, il n'est pas forcément nécessaire que le personnage fasse des choses extraordinaires ou ait une personnalité hors du commun : Maupassant est arrivé à nous rendre passionnante la vie de Jeanne dans son roman "Une vie", alors que la personnalité de celle-ci était plutôt banale, et sa vie itou. Mais... c'était Maupassant !


Pour l'oeuvre de Maupassant, disons que ça ne m'a pas fait la même impression qu'à toi. Si la prose est belle, j'ai trouvé le récit un peu vide lu dans le contexte actuel. Il me semble que plus de viande autour de l'os, par exemple sur l'histoire, l'époque, les les moeurs, la politique aurait apporté au récit. Déjà que le personnage était tellement effacé que j'ai été incapable de m'y intéresser véritablement. Je n'ai pas le talent que tu possèdes pour mettre en mots les impressions qu'une lecture me laissent, mais j'en avais parlé un peu, juste là dans le cadre de la lecture commune...   http://www.guidelecture.com/forum/forum_posts.asp?TID=1764

Pour revenir au sujet des personnages bien "grafignés" par la vie...pour ma part j'aime bien que le personnage ait des faiblesses. Qu'il ne soit pas trop beau ni trop bon, trop "american boy". Toutefois il ne faut pas que ces faiblesses soient omniprésentes au point qu'elles représentent quasiment un personnage en elles-même.
Par exemple, le Jack Taylor de Ken Bruen, où ces abus d'alcool et sa toxicomanie ont plus de présence et de vie que l'intrigue de base. J'ai lu "Delirium Tremens", et ce fait m'avait sérieusement agacé malgré les multiples commentaires positifs que j'avais lu sur ce roman. J'ai tout de même acheté le livre par la suite en ayant la volonté de le relire.
Peut-être après plusieurs mois/années. Qui sait?!

Je continue à voir des avis positifs sur ce roman et je me dis qu'il y a sûrement quelque chose qui m'a échappé.
Mais je sais également que l'écriture de Ken Bruen même dans sa série R&B me rejoint difficilement. J'ai horreur de renoncer trop vite. Alors je persiste.


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Citer Shamash Réponsebullet Envoyé : 19 février 2011 à 05:43
Message posté par denis76

Shamash, bienvenue ici !

On est souvent moins déçu par les auteurs que l'on choisit, et dont on lit l'oeuvre intégrale, que de se jeter sur les livres à bandeaux !


Merci de ton accueil, Denis ! Je suis assez d'accord : comme toi, si un auteur me plait vraiment, j'ai tendance à lire tout ce qu'il a écrit. Mais je maintiens qu'on devrait pouvoir attendre un minimum de qualité d'un prix littéraire. Que le roman nous accorche ou pas : ça c'est une autre histoire.
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Citer Shamash Réponsebullet Envoyé : 19 février 2011 à 05:50
Message posté par * Ça *

Pour revenir au sujet des personnages bien "grafignés" par la vie...pour ma part j'aime bien que le personnage est des faiblesses. Qu'il ne soit pas trop beau et trop bon, trop "american boy". Toutefois il ne faut pas que ces faiblesses soient tellement omniprésentes, qu'elles représentent quasiment un personnage en elles même.


Oui, c'est sûr que, à tout prendre, il vaut mieux un personnage qui a des faiblesses, qui nous ressemble un peu donc.
En tout cas, tu me donnes envie de lire Ken Bruen, que je ne connais pas. Son personnage de Jack Taylor à l'air plutôt intéressant.
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Citer Shamash Réponsebullet Envoyé : 19 février 2011 à 05:52
Au fait, j'adore l'expression "grafigné par la vie", elle est très parlante.
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