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Cylia

Imprimé depuis: Guide de la bonne lecture
Categorie: Connexes à la lecture
Nom du Forum: Vos écrits
Description du Forum: Un petit poème, un petite nouvelle...
URL: http://www.guidelecture.com/forum/forum_posts.asp?TID=673
Date: 03 mai 2024 à 20:01
Version logiciel: Web Wiz Forums 8.03 - http://www.webwizforums.com


Sujet: Cylia
Posté par: whismerhill
Sujet: Cylia
Posté le: 17 janvier 2007 à 01:54
I. Marc et la petite fille.

Je me réveille brusquement ! Tous mes sens sont en alerte. J’ai entendu quelque chose. Je prête l’oreille. Je ne sais pas ce que c’est. Les sons sont faibles et lointains. Le lit est chaud. J’y suis depuis longtemps. Je regarde le réveil. Il est une heure du matin. Je me tourne vers ma femme. Elle est profondément endormie. Elle n’a rien entendu. Je suis seul à savoir.
Je tente de décrypter les sons. L’effort est immense. Je décide de me lever. Je bute dans le lit. C’est très douloureux. Je me retiens de crier. Inutile de la réveiller. La chambre est ouverte. Je me dirige vers le salon. Peut-être aurai-je plus de chance. Dans l’entrée, le bruit augmente. Il devient plus précis. C’est très aiguë. J’avance dans le couloir. Il fait caisse de résonance. J’entends l’écho. Le salon n’est pas noir. Les diodes des appareils brillent. Mais je ne vois pas plus. Je n’entends que ces gémissements.
Ils viennent de loin. De dehors. Je suis intrigué. On dirait des pleurs. Des pleurs de petite fille. J’enfile mes chaussures. Il faut que je vérifie. Je vais vers la porte et je l’ouvre. L’air froid me frappe le visage. Sa brûlure est glacée ! J’attrape un manteau que j’enfile. La porte claque derrière moi. Je sursaute. Je me suis fait peur tout seul.
Le ciel est noir. La lune est absente. Les lampadaires sont en panne. L’ambiance est anormale. Je n’entends que le silence. Peut-on l’entendre ? Je ne sais pas ! Il n’y a pas de vrombissement. Les voitures sont couchées. La mienne aussi. Elle est dans le garage. Moi, je suis seul dans la rue. Je suis seul devant chez moi. Une petite fille au loin pleure. Elle m’empêche de rentrer. Je dois la trouver. Il faut que je sache pourquoi elle sanglote.
Les plaintes me guident. Pourquoi suis-je le seul ? Les voisins n’ont pas entendu ? Je traverse la route. Les bruits sont de plus en plus proches. Je les repère facilement. Ils viennent de cette maison. Elle est encore en construction. Le gros œuvre est presque fini. Personne n’y habite pour l’instant. Tout cela est vraiment étrange. Je monte rapidement l’escalier. Les pleurs viennent du premier étage.
J’arrive en haut, tout essoufflé. Mon cœur s’emballe un peu trop. Je tente de me calmer en respirant doucement. Plus aucun doute sur la nature des bruits. J’entends très distinctement la petite fille. J’avance vers une pièce au fond. Les ouvriers n’ont rien laissé par terre. Le sol est parfaitement propre et blanc. Le ciment par terre est particulièrement lisse.
J’entre dans le carcan blanc. Devant moi se tient une petite fille. Elle n’a pas plus de six ans. La noirceur de ses cheveux contraste avec la blancheur du béton. Elle porte une chemise de nuit blanc cassé. Assise dans un coin, elle gémit, imperceptiblement. Elle ne peut pas me voir car elle me tourne le dos. J’avance pour venir la réconforter. Je toussote un peu afin de lui signaler ma présence. Puis, je m’assieds près d’elle, en tailleur.
Bonjour sort sans que je le veuille de ma bouche. C’est idiot, on est en pleine nuit. Elle cesse de renifler et tourne sa tête vers moi. Elle a de grands yeux très sombres. Ses pupilles sont dilatées au maximum, il fait très noir. Ses iris, que je distingue très bien, m’impressionnent par leur opacité. Il me semble même que le blanc de son œil est gris. L’impression est étrange et me fait frissonner un peu plus. Elle a l’air triste, et perdue. Je me demande ce qu’elle fait ici.
− Je suis toute seule.
Une larme coule le long de sa joue.
− Comment t’appelles-tu ?
− Cylia
Je tremblote et réalise qu’elle n’a qu’un tee-shirt sur elle.
− Tu as froid ?
J’enlève ma faible protection pour la poser sur ses épaules.
− Non.
Sa voix est triste et me fend le cœur. Je remets mon manteau.
− Où sont tes parents ?
Je lui caresse doucement les cheveux. Son corps est gelé.
− Je ne sais pas.
À nouveau, elle renifle bruyamment et me fait le regard le plus triste que j’aie jamais vu.
− Que fais-tu ici, toute seule, ma chérie.
En prononçant ces mots, je lui mets finalement mon manteau sur le dos. Elle semble apprécier.
− C’est chez mon papa et ma maman. Mais ils sont pas là.
Je m’attendais à tout mais pas à cette réponse.
− C’est normal, c’est encore en construction. Elle n’est pas finie, ta maison. Où habites-tu, pour l’instant ?
C’est mon tour de grelotter. Le vent transperce le maigre pyjama dans lequel je dors en principe à cette heure.
− Ici !
Je suis scié. Encore une fois, je n’imaginais pas une telle réponse.
− Tu veux bien venir avec moi ? On va aller au chaud, d'accord ?
Elle acquiesce et je suis soulagé.
Lorsque nous entrâmes dans la maison, le silence était toujours de mise. J’avais pensé que ma femme se réveillerait mais il n’en était rien. Je fis asseoir l’enfant dans le salon après avoir allumé la lumière. Elle gémissait toujours, mon manteau trop grand pour elle sur les épaules. Je lui demandai si elle voulait boire du chaud. Devant sa réponse affirmative, je m’en allai dans la cuisine lui préparer un bon chocolat.
À mon retour, la veste avait glissé à terre et elle frissonnait. Cette vision me fit mal au cœur, une nouvelle fois. Je me demandai comment l’on pouvait laisser une si jolie petite fille seule, en pleine nuit sur un chantier. Il fallait être soit cruel, soit parfaitement inconscient. Dans les deux cas, je pensai que c’était une honte. La tendresse qui m’envahissait à chaque fois que je la regardais avait quelque chose d’irréel.
Je posai la tasse devant elle et me dirigeai vers le canapé où une couverture était soigneusement pliée et posée sur un accoudoir. Je la pris et l’emmitouflai chaudement. Sa petite main blanche et froide attrapa le récipient pendant que je m’asseyais à ses côtés. Elle but le chocolat d’un trait. Il me sembla qu'il était très chaud car il fumait. Cela n’avait pas semblé la déranger. Même en ayant très froid, sa gorge aurait dû être brûlée, mais aucune grimace de douleur n’était apparue sur son visage très doux.
Je n’avais pas ouvert la bouche, à part pour lui demander si elle voulait à boire. Je n’en avais pas ressenti le besoin. Lorsque j’entendis un bruit dans le couloir, je tournai la tête. Cylia fit de même. Des bruits de pas lourds se rapprochaient doucement. C’étaient ceux de ma femme qui devait sans doute se demander ce qui se passait. Elle entra, bien embrumée, dans la pièce.
− Marc, qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle d'une voix rocailleuse.
Puis, avant que j'aie eu le temps de savoir ce que j'allais répondre, elle se tourna vers Cylia et ajouta perturbée :
− Qui c'est ?
Je la regardai béatement quelques secondes, ne sachant plus vraiment de qui elle voulait parler puis, l'évidence revenue, je lui répondis simplement :
− C'est Cylia !
La petite fille lui adressa un joli sourire, malgré le noir puissant de ses yeux. Elle en fut surprise et recula d'un pas, probablement sans savoir réellement pourquoi. Pui, elle sembla retrouver un peu de conscience :
− Et que fait-elle ici en pleine nuit ?
Je me levai, la pris par le bras et l'emmenai dans la cuisine en jetant un sourire tendre à la petite. Une fois éloignés, je lui racontai :
− Je l'ai trouvée dans la maison en construction un peu plus loin. Elle pleurait et ça m'a réveillé. Je ne sais pas comment j'ai pu être réveillé par un bruit si faible. Et je ne sais pas non plus comment elle a pu se retrouver là-bas, toute seule.
− Tu ne lui as pas demandé ?
− Si ! Elle m'a dit qu'elle habitait là, avec son papa et sa maman. Tu y crois toi ?
− Certainement pas. Ses parents doivent construire la maison. Ils lui ont raconté que ça allait être la leur et elle a tout mélangé. C'est classique chez les enfants.
− Et comment s'est-elle retrouvée là, toi qui es si maline ?
− On doit appeler la police ! conclut-elle sèchement sans me laisser ma chance.
− Au moins, on est d'accord, ajoutai-je, voulant le dernier mot.
Pendant qu'elle sortait rapidement pour téléphoner, je me servis un verre d'eau fraîche. J'étais assoiffé. Je retournai dans le salon et restai scotché sur la barre de seuil. Mon regard fit rapidement le tour de la pièce sans succès. Un instant, j'hésitai entre rage et dépit, mais je choisis finalement un compromis : la persévérance.
Je parcourus toutes les pièces, avec une méticulosité digne de Sherlock Holmes. Tout y passa : les bureaux, la salle de bain, le salon, la chambre — dans laquelle Claire me jeta un regard noir, je l'avais interrompue en pleine conversation avec la police — et je retournai même dans la cuisine, d'où je venais pourtant. J'avais fait chou blanc.
Les idées s'entrechoquèrent dans ma tête sans trouver de solution ou d'explication. Les possibilités les plus logiques, mais aussi les plus délirantes, défilèrent à grande vitesse avant de s'arrêter sur l'évidence. Par acquit de conscience, et sans conviction, je fis un dernier tour des serrures extérieures, mais elles étaient réellement fermées.
Lorsque j'entrai à nouveau dans notre chambre, ma femme venait de raccrocher. Elle me dit que la police arrivait dans quelques minutes. Je m'assis... non, m'écroulai sur le lit et, dans le même élan, me retrouvai allongé, épuisé physiquement et moralement. Il me manquait quelque chose, quelqu'un. Claire attrapa ma main dans un élan de tendresse auquel je n'étais plus habitué depuis très longtemps. J'imaginai qu'une demande allait venir car rien n'était sans raison chez elle, mais seul le silence nous accompagna pendant de longues secondes.
Finalement, je réussis à lui avouer :
− Elle est partie.


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Ecrivaticien dans l'âme.



Réponses:
Posté par: Patrick Delay
Posté le: 17 janvier 2007 à 10:52
C'est génial mais on reste sur sa faim... y a-t-il une suite, si oui j'ai hâte de la lire.
j'ai trouvé le style de départ un peu saccadé, des phrases extêmement courtes, voire même sans verbe, je pense que c'était pour donner au récit sont caractère irréel.

J'imagine plusieurs suites possibles mais c'est la vôtre qui m'intéresse.

Alors continuez d'écrire.

A bientôt et bienvenue au club.



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La culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié... J'ai oublié de qui c'était      Encore faut-il qu'il reste quelque chose


Posté par: whismerhill
Posté le: 17 janvier 2007 à 11:21
Message posté par Patrick Delay

C'est génial mais on reste sur sa faim... y a-t-il une suite, si oui j'ai hâte de la lire.
j'ai trouvé le style de départ un peu saccadé, des phrases extêmement courtes, voire même sans verbe, je pense que c'était pour donner au récit sont caractère irréel.

J'imagine plusieurs suites possibles mais c'est la vôtre qui m'intéresse.

Alors continuez d'écrire.

A bientôt et bienvenue au club.

Merci pour tout...

En fait, j'hésite pour la suite : dois-je la mettre ici ou seulement mettre un lien vers mon site où elle est lisible ? Que dois-je faire, à votre avis ?

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 17 janvier 2007 à 12:32
Je préfère que vous mettiez la suite sur ce site, ce qui ne vous empêche pas de signaler le votre (lien, adresse...)

Mais je voudrais tellement rendre ce site plus vivant.
A mon sens, trop de gens se contentent d'utiliser ce site pour échanger leurs impressions, c'est déjà pas mal, certains déposent des oeuvres de leur cru, comme vous l'avez fait... nouvelles, poèmes,jeux littéraires.
Je souhaite que plus de personnes participent, alors je n'ai pas envie de vous laisser partir...


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Posté par: whismerhill
Posté le: 17 janvier 2007 à 13:41
C'est noté. Voici donc le chapitre 2 ;-)

II. Amélie et l'ubiquité

Lorsque j’ouvris la porte d'un coup sec, sans me préoccuper des conséquences sur le mur, j’étais très énervée. Je lançai un dernier juron à l'intention de mon compagnon et sortis en furie. Un morceau de plâtre s'écrasa lamentablement à terre, explosant au contact du sol en une poussière blanche, un peu sale. Sans prendre la peine de refermer, je descendis l'escalier quatre à quatre, en faisant passer un éléphant pour une ballerine, et j’aurais claqué tout aussi bruyamment la porte de l'immeuble si elle n'avait pas été automatique. J’aurais aimé qu’il me crie « Amélie, reviens ! ». Mais je n'entendis que le silence. Comme d’habitude !
Le vase était plein. Je me sentais soulagée d’avoir enfin trouvé le courage de laisser tomber mon mollusque. Je l’appelais ainsi — pas devant lui, bien sûr — à cause de sa tension artérielle proche de zéro. Une tortue réagissait plus vite et, pire, avait un caractère plus trempé. Tout était allé de mal en pis depuis quelques mois, mais enfin, je l’avais largué, balancé, foutu dehors, — même si c’était moi qui étais partie — quitté, abandonné ! Je n’en pouvais plus.
Il était onze heures et le soleil, sans chauffer vraiment, brillait de tous ses feux. Je fus éblouie par ses rayons et ne vis l'obstacle que trop tard. Je percutai quelque chose à pleine vitesse dans ma furie, m'écroulant à terre en l'emportant avec moi. Je me retrouvai la figure dans le caniveau, buvant la tasse du dégel neigeux. Mon premier réflexe fut de recracher ce que j’avais ingurgité. Quelques secondes furent indispensables pour que je comprenne ce qui s’était passé. J’étais un peu sonnée par le choc et ma fierté en avait pris un sacré coup. Je sentis une douleur dans mes côtes avant de me demander ce qui était la cause de mon vol plané.
Je réalisai alors que j’étais vautrée sur une petite fille, très jeune. Je paniquai soudain et me dégageai rapidement. L'enfant avait des cheveux d'un noir puissant, avec des reflets violets, que l'on ne trouve que chez les asiatiques. Elle ne l'était pas. Son teint était pâle, presque maladif, tandis que sa bouche semblait être recouverte d'un gloss très brillant. Elle ne devait pas avoir plus de sept ans. Cela m’attrista. Qu’avais-je fait ?
Le trottoir était maculé du sang de la petite et, lorsque je le remarquai, cela acheva de me catastropher. Personne alentours n'était en mesure de m'aider car la rue était complètement déserte. Ses yeux étaient fermés. Elle semblait inconsciente, ce qui ne m’étonna pas, à la vue du sang. Je me penchai pour vérifier qu'elle était toujours vivante. Le sifflement de sa respiration me soulagea un peu. Son souffle était chaud et agréable. L’oreille collée contre sa bouche, je crus être hypnotisée par la mélodie de ses lentes expirations.
Je repris mes esprits et m'apprêtais à l'examiner plus attentivement lorsque l'enfant ouvrit les yeux. D’abord, je m’écartai, dans un réflexe parfaitement idiot, puis me rapprochai à nouveau. Le regard noir de la fillette emprisonna complètement ma conscience. J’étais absorbée par ses yeux, aussi sombres que ses cheveux, et pourtant pleins d'une tendresse inhabituelle. L’affection qui m’empoigna soudain dépassait mon entendement. Elle aurait été ma propre fille, je ne l’aurais pas plus aimée. Puis, je pensai à ses parents, qui n’étaient pas là. Je me demandai où ils pouvaient bien se trouver. On ne laisse pas une gamine de cet âge, seule en pleine ville ! La colère me gagna un temps avant de reprendre mes esprits.
Elle était toujours allongée et je me décidai à m’en occuper.
− Tu vas bien ?
En prononçant ces mots, je me dis que ma question était vraiment insolite. Son sang s’était arrêté de couler, mais la quantité sur le bitume était impressionnante.
− J’ai mal la tête, répondit simplement l’enfant.
Un instant, je faillis la reprendre en lui disant « Non, on dit : j’ai mal À la tête ! » avant de réaliser à quel point c’était ridicule. Je pensai que c’était un parfait exemple de déformation professionnelle, version institutrice.
− Comment t’appelles-tu ?
Je lui pris la main pour la rassurer. Celle-ci était froide comme un glaçon. Je ne voulais pas prendre le risque de l’alarmer et serrai un peu plus le petit membre gelé pour la réchauffer.
− Cylia… Où est ma maman ?
Je fus prise de court par cette question pourtant diablement évidente. Je tournai la tête de tous les côtés, mais ne pus que confirmer ce que j’avais déjà vu : la rue était toujours vide.
− Je ne sais pas, ma chérie. Elle était avec toi ? On va la retrouver, d’accord ?
− D’accord, fit Cylia en imitant mon timbre de voix avec un petit sourire qui s’effaça bien trop vite.
Je jetai un coup d’œil, subrepticement, à la tâche sombre derrière elle. L’inquiétude monta à nouveau en moi. Il fallait déjà que je soigne sa blessure.
− Mais d'abord, on va s’occuper de ta tête. Est-ce que tu as très mal ?
− Oui, ça tape là ! dit-elle en montrant de sa main droite l’arrière de son crâne.
− Ne bouge pas, je reviens tout de suite.
Je remontai pour appeler des secours en m’en voulant d’avoir dit « Ne bouge pas ! ». Évidemment qu’elle n’allait pas bouger avec une plaie pareille ! J'étais toujours énervée par le mollusque et j'allais être obligée de lui faire face à nouveau. Je devais faire vite et redescendre immédiatement. Limiter la durée de la confrontation et tout ira bien. Je pris la parole avant lui.
− Je n'ai pas l'intention de revenir. J'ai renversé une petite fille en ouvrant la porte en bas, il faut que tu appelles les secours tout de suite. Dis-leur qu'elle saigne derrière la tête.
− D'accord, acquiesça-t-il sobrement.
Dans ces moments-là, je pourrais le tuer si je ne me contrôlais pas. Il n'a pas essayé de me retenir, je reviens et il n'a pas plus de réaction. J'arrête d'insulter les mollusques. Ils valent mieux que cela. Je me dis que la colère était probablement le meilleur moyen de l'oublier même si l'échec était cuisant pour moi.
− Je retourne en bas pour les attendre, criai-je à son intention avant de redescendre plus vite encore que tout à l'heure.
Dans ma tête tournèrent une multitude d'images : de mon mollusque — non, ce n'est plus le mien — en train de téléphoner, à moi serrant Cylia dans mes bras. J'imaginai le pire. Cylia morte quand j'arriverai près d'elle. Mais aussi le meilleur. Je pourrais l'adopter si sa mère était introuvable. Puis, je me donnai une gifle volontairement. Pourquoi pensais-je à adopter une petite fille, dont la mère n'était sans doute pas très loin, alors que je ne la connaissais même pas. Je l'avais juste percutée de plein fouet, la mettant en danger.
J'arrivai aux pieds des escaliers et ouvris doucement la porte, de peur de provoquer une autre catastrophe. Je restai sur le perron, ahurie.
Elle avait purement et simplement disparu et sa flaque de sang avec. À la place, le trottoir était d'une propreté presque anormale. Je me demandai alors si je n'avais pas rêvé. Personne n'aurait pu emporter Cylia et nettoyer en aussi peu de temps ! Je n'étais pas partie pendant plus de deux ou trois minutes. Il devrait rester des traces. Fébrilement, je me mis à genoux et inspectai minutieusement chaque millimètre carré du sol, à la recherche d'un indice, d'une preuve que tout cela avait été bien réel. Mais plus je cherchais, moins je trouvais.
Je dus me rendre à l'évidence : j'avais imaginé cette petite fille et sa blessure. Je ne comprenais pas pourquoi mon cerveau m'avait fait un coup pareil, pourquoi je m'étais emballée à ce point pour cette enfant. Les hormones me travaillaient, c'était probable, à 31 ans, mais au point de donner vie à mes rêves, je trouvais cela sidérant. En d'autres termes, je songeai aussi : elle m'a abandonnée.
Les sirènes me surprirent dans mes réflexions. Je me relevai, pour avoir l'air au minimum digne, en plus d'être ridicule. Un camion de pompier freina violemment près de moi, suivi d'une voiture de police. Les hommes descendirent rapidement de leur véhicule et s'arrêtèrent près de moi. C'était perdu pour l'air digne, je bavais. L'un d'eux, un pompier, je crois, me demanda où était la victime mais ne pouvant répondre quelque chose de satisfaisant, je me contentai de bafouiller. Je respirai un grand coup et lorsqu'un des policiers me reposa la question, je réussis à déglutir qu'elle avait disparu.
Je pensais qu'ils allaient me hurler dessus, me demander des explications mais au lieu de cela, le policier me questionna simplement :
− Elle ne s'appelait pas Cylia, par hasard ?
J'étais abasourdie. Finalement, je n'avais peut-être pas rêvé ?
− Comment le savez-vous ?
− L'instinct ! me répondit-il.
Je le regardai, la bouche ouverte. Vraiment, ça ne faisait pas très sérieux. J'allais bafouiller une nouvelle fois mais il me prit de vitesse.
− Nous avons eu un appel hier soir, à propos d'une petite fille abandonnée. Quand nous sommes arrivés, elle avait disparu. La maison en construction qu'elle avait dit habiter appartenait à un couple qui n'a pas d'enfants. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai tout de suite fait le rapprochement lorsque j'ai vu qu'il n'y avait pas de victime.
− Alors je n'ai pas rêvé ? demandai-je mécaniquement sans attendre de réponse.
C'est alors que je le remarquai, tout petit, presque insignifiant, traînant entre deux pierres du trottoir : un billet de RER tout neuf. Je sentis qu'il était important et le ramassai pendant que chacun remontait dans son véhicule. Il était neuf, ni validé, ni sali par les passants et m'attirait comme un aimant. Son attraction me faisait penser à la petite fille. Une larme coula le long de ma joue. Je songeai à nouveau que je l'avais perdue et cette tristesse me brisa le cœur une nouvelle fois.
J'essuyai mon visage et me promis de la retrouver, quoi qu'il m'en coûte. C'était parfaitement ridicule, immature et dénué de tout fondement, mais je n'avais jamais été aussi convaincue de toute ma vie par quelque chose. Il allait d'abord falloir que je trouve une piste par laquelle commencer mes recherches. Quelle meilleure idée que ceux qui l'avaient déjà vue aussi. Soudain, je réalisai que je ne savais pas où habitaient ces gens. Je me mis à la poursuite des policiers qui n'étaient pas encore partis. Il me fallait faire vite ! Elle était sûrement en danger.

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 17 janvier 2007 à 13:48
Je voulais vous soumettre une petite suite avant que vous ne me communiquiez la vôtre, c'est louppé vous avez été trop rapide... mais tant mieux cela me fait de la lecture.

Je vous donne tout de même ma petite version



On sonne à la porte.
Je suis encore prostré et c'est ma femme qui va ouvrir. Chéri c'est la police me lance-t-elle.
Je sursaute.
Je me lève comme un automate et sort de la chambre.
Le flic me voit arriver.
« Ca ne va pas » me dit-il d’un air inquiet.
J’ai du mal à marcher. Je suis barbouillé, encore un pas et je m’effondre sur le canapé.
Le flic me regarde, regarde mon épouse, il doit se demander dans quelle maison de fous il est tombé.

Le sergent Friedrich, c’est son nom, a tout noté.
Il a pris notre déposition, a fait le tour de la maison.
Il a tout noté comme pour bien se convaincre qu’il ne rêvait pas.
Il me regarde.
« Vous savez combien cela peut vous coûter de m’avoir dérangé pour de telles bêtise ? »
Puis s’adressant à ma femme.
« Je ne vais pas signaler cet incident car je pense que votre mari a plus besoin d’un médecin que d’autre chose, mais vous ne devriez pas marcher dans sa combine, vous ne lui rendez pas service »
« L’incident est clos » nous dit-il. Il était dans un bon jour…à maintenant presque trois heures du matin.
Le sergent se lève, nous salut vaguement et se dirige vers la porte.
Il l’ouvre … et demeure immobile sans mot dire.
Devant lui, debout en chemise de nuit, pieds nus sur le perron glacé, une petite fille le regarde en souriant.



Bon maintenant je lis votre suite.


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Posté par: Patrick Delay
Posté le: 17 janvier 2007 à 14:00
Et après, ce n'est pas fini j'espère ?
Je suis de plus en plus impatient...


Petite parenthèse, il ya sur ce forum dans la rubrique connexes à la lectue / jeux littéraires, une nouvelle à compléter.
Je suis le dernier à y avoir mis ma patte, ce serait très sympa d'y faire un tour pour la compléter, je suis sûr qu'on aurait un sacré rebondissement et puis ça en déciderait peut-être quelques autres.

Merci et à bientôt.

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Posté par: Patrick Delay
Posté le: 18 janvier 2007 à 03:08
Bonjour monsieur Whismerhill , seriez-vous en train de nous écrire la suite ?

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Posté par: whismerhill
Posté le: 18 janvier 2007 à 03:15
Bien qu'un peu courte (mais c'est normal pour un exercice), votre suite est intéressante. Elle joue sur le côté "je deviens fou" que j'exploite (peut-être à outrance d'ailleurs) dans mon roman "Omnis". Pour cette nouvelle, j'avais envie de changer un peu de style et d'angoisse puisque c'ets mon genre de prédilection. Mais vraiment, j'ai apprécié votre vision de la suite.
Cylia est une nouvelle "feuilleton" contruite sur des "cliffhanger" (j'ai pas trouvé de terme en français mais je suis preneur) en dix épisodes strictement égaux.
Si le fait de poster cette nouvelle peut donner un peu de vie, c'est avec plaisir que je le ferai mais alors petit à petit, non ? (Je suis vicieux, je sais).

Et je vais aller faire un tour du côté des jeux d'écriture si je peux moi aussi apporter quelque chose ;-)

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 18 janvier 2007 à 03:26
Message posté par whismerhill

Bien qu'un peu courte (mais c'est normal pour un exercice), votre suite est intéressante. Elle joue sur le côté "je deviens fou" que j'exploite (peut-être à outrance d'ailleurs) dans mon roman "Omnis". Pour cette nouvelle, j'avais envie de changer un peu de style et d'angoisse puisque c'ets mon genre de prédilection. Mais vraiment, j'ai apprécié votre vision de la suite.
Cylia est une nouvelle "feuilleton" contruite sur des "cliffhanger" (j'ai pas trouvé de terme en français mais je suis preneur) en dix épisodes strictement égaux.
Si le fait de poster cette nouvelle peut donner un peu de vie, c'est avec plaisir que je le ferai mais alors petit à petit, non ? (Je suis vicieux, je sais).

Et je vais aller faire un tour du côté des jeux d'écriture si je peux moi aussi apporter quelque chose ;-)



Non c'est peut-être mieux, il faut faire durer le suspens.

Des histoires "fil rouge" des épisodes indépendants mis à part un point commun qui est au coeur de l'histoire et qui les relie.

Effectivement ma suite était un peu courte, bien que ce soit une suite sans fin.

Quant à la rubrique jeux littéraires, il y a toujours une nouvelle à suivre, à compléter.

A+




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Posté par: whismerhill
Posté le: 18 janvier 2007 à 03:31
Je suis en train d'y travailler !!! ;-)

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 18 janvier 2007 à 03:32
Alors on va se montrer patient.

Bonne écriture

A+

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Posté par: annalekt
Posté le: 20 janvier 2007 à 05:48
je viens de lire ton texte,WOUAH!digne d'un marc levy,je te donne mon impression je pense que cette petite fille est un fantome,et que sa tache n'est pas finie sur terre et quand faisant prendre conscience,aux personnages qu'elle rencontre dans ton texte,que leur vie peut etre bien meilleur que celle qu'il sont en train de vivre en ce moment et qu'elle va les guider pour un avenir meilleur,et là elle pourra trouver le repos eternel.en tout cas monsieur je vous tire mon chapeau bien bas et j'attend la suite avec une grande impatience. .bonne journée.

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Un clown,c'est toujours triste.


Posté par: whismerhill
Posté le: 20 janvier 2007 à 11:13
J'hésite sur la façon de mettre le texte ici. Il faut dire que la publication originale s'est faite étalée sur 10 semaines, ce qui a fait incontestablement monter la pression. Mais je ne résiste pas à l'envie de clore la première partie (en quelque sorte) par le troisième (4ème avec Cylia) personnage de cette nouvelle. Vous allez voir, il est assez... particulier. À vous d'apprécier... Ou pas ! ;-)

III. Conrad et la face noire.

Merde, merde, merde et merde ! C'était vraiment pas le moment ! Putain, j'ai fait quoi pour mériter ça ? J'ai plus un kopek. J'suis à la ramasse ! Comment je vais faire ? J'ai juste besoin d'une p'tite dose, histoire de tenir le coup encore un peu. Merde, merde et merde ! Mes vieux ont vraiment trouvé le bon prénom : Conrad. Ça, pour être con et en rade, j’suis champion.
J’balance tout ce que j'ai sur la table par terre avec la rage d'un gorille. Ça fait un bordel inimaginable. Les verres se brisent et mon moral avec. Déjà que le squat est pas terrible mais si, en plus, je le détruis... J'ai trouvé ça y'a deux jours. J'étais tranquille, personne pour me faire chier, proche toutes commodités, comme y disent dans les journaux. Même les chiottes marchent toujours… Enfin marchaient avant que je foute des coups de savate dedans. Bref, c'était le bonheur !
Et pis j'ai trouvé le moyen d’me gourer dans mes comptes. Faut être con, aussi ! J’croyais que j'en avais encore pour trois jours et finalement, c'était un seul. Et me v’là en manque, à balancer n'importe quoi pour me défouler. Une seule solution : trouver du pognon. N'importe où mais il me faut de la fraîche. Même si je dois butter quelqu'un, j'ai besoin d'oseille !
Je sors de mon duplex plein sud, direction les petites ruelles bien glauques (pour les autres, moi, ça va !). Je r’père un gentil petit couple bien habillé, avec des marques et tout... Puis, je les suis discrètement. C'est mon jour de chance, y bifurquent dans une allée complètement déserte. Ça va être vite vu : ni une ni deux, je sors mon gun et ils me donnent leur blé sans broncher. Bons petits toutous. J’file en faisant le compte. C'étaient des bourges, ils avaient cinq cents euros sur eux. Direction mon fournisseur préféré.
Je m'étends sur la couverture orange fluo et je ferme les yeux. Elle est douce. Je me sens trop bien. L'héroïne devrait être en vente libre dans toutes les bonnes pharmacies. Je nage dans un océan orange avec des dauphins violets. Ils sont trop cools de cette couleur. Au-dessus de moi, le ciel est vert pomme et le soleil bleu. C'est trop top ! Il y a des oiseaux qui viennent chanter directement dans mes oreilles. Ils chantent trop bien les Beatles. J'ai droit à « Lucy in the Sky With Diamonds » et « Strawberry Fields forever ». C'est de circonstance !
Un des oiseaux arrête la musique et me murmure à l'oreille un truc que je capte pas. Il parle trop doucement. Je fais gaffe pour savoir ce qu'il raconte et j'entends d'une toute petite voix : « Monsieur, elle est où, ma maman ? ». Pendant un instant, j’me demande c’que ça vient foutre dans mon rêve. Je regarde l'oiseau qui me plante son bec dans l'œil mais j'ai pas mal. C'est p'têt pas un rêve !
J'ouvre les yeux et je la vois au-d’ssus de moi. Elle est penchée et me r’garde avec ses grands yeux noirs. Ses cheveux, tellement sombres que j’suis happé, me chatouillent le visage. Elle porte un truc indescriptible, genre ch’mise de nuit. J’sais pas trop si elle est sale ou si c'est la couleur naturelle. C'est pas trop une tenue pour une gamine. D'ailleurs, c'est pas non plus trop un coin pour c’te mioche. Je réfléchis à nouveau et je conclus que je suis pas trop fréquentable non plus pour elle. À vue de nez, elle a pas plus de dix ans mais qu'est-ce que j'y connais, moi, en gosses ? Je sais juste si elle est baisable ou pas. Là, elle est pas baisable ! Dommage. Avec mon trip, j'aurais bien donné un p'tit coup d'queue.
J’me relève doucement et j’la regarde à nouveau malgré mes yeux tout flous. Ce que je vois me fait flipper à donf pourtant, elle n'a pas bougé.
Y m’faut qu'une p’tite seconde pour me retrouver accroupi dans le coin de la pièce, terrorisé. Son visage se déforme. Y r’ssemble plus à rien de connu, et certainement plus à une petite fille. Les grimaces se succèdent sans qu'elle bouge d'un millimètre. On dirait qu'elle est faite d'eau. Je vois tour à tour ma mère avec un coquard monstrueux, ma sœur, le visage en sang, des inconnus terrorisés et des tas d'autres trucs que je saurais pas décrire. Ça change de plus en plus vite. J'ai la trouille !
J’suis certain que c'est un démon qui vient me chercher, me punir de toutes mes mauvaise actions. Je réfléchis vite à ce que je pourrais faire. C'est pas facile. Je me rends compte que je n'ai plus qu'une seule solution : lui demander pardon, l'implorer à genoux. C'est ce que je fais :
− Pardon ! Me tue pas. Je f’rais ce que tu voudras. Pitié ! Pitié !
Je m'approche d'elle-lui et je rampe pour être plus bas que terre, pour qu'il m'épargne. Je rentre ma tête dans mes épaules quand j'entends qu'elle fait du bruit. J'ai encore plus peur.
− Monsieur, tu sais où est ma maman ?
J'hallucine grave quand elle cause ! J’relève la tête pour la voir. Elle me tend la main et son visage est normal. Celui d'une gamine de sept ou huit ans ! J’sais pas si c'est l'héro qui m'a fait ça mais putain, ça m'a trop foutu la pétoche. J'étais en train de d’mander ma mère devant une mioche ! Le délire total. Je r'nifle un bon coup, je crache par terre un molard comme je les aime et j’me mets debout. Ma caboche tourne mais j'm'en fous.
Tout de suite, elle fait moins la maline, avec sa tête de première d'la classe. Manque plus qu’les lunettes et on peut la mettre au premier rang, tiens !
− Monsieur, tu sais où est ma maman ?
Elle insiste, c'est pas vrai, ça ! Qu'est-ce j'en sais moi, d'où elle est sa mère ? J'réponds quand même des fois qu'elle me refasse le coup du T1000.
− Dégage gamine ! Ta mère, elle est pas là. Y'a qu’moi ici. C'est pas un coin pour une mioche comme ça. Alors barre-toi, compris ?
Elle bouge pas. J'sais pas ce qui faut que j'lui dise pour qu'elle me foute la paix. Si elle a pas ripé d'ici dans moins d'une minute, j'vais la bastonner pour qu'elle aille voir ailleurs si j'y suis. J'me lève trop vite et j’vois des petits points blancs devant mes yeux. Je sais pas trop si c'est pas l'héro qui me fait ça. J'essaie de faire mon regard le plus menaçant pour la convaincre, mais on dirait une statue. Juste qu'elle respire, la statue.
J’crois pas avoir déjà vu des cheveux aussi longs. Ils sont noirs, mais pas comme la nuit à cause d’la pollution lumineuse. Ils sont noirs comme si toute la lumière était absorbée par le moindre reflet. Ses yeux aussi sont noirs. Noirs et effrayants. J’vais pas lui demander d’les ouvrir grands pour savoir s'ils sont noirs sur l'ensemble du globe mais c’qui est sûr, c'est que tout c’que je vois est noir. Son visage, lui, il est gris. Il n'est pas pâle, il n'est pas blanc, il est vraiment gris.
− Monsieur ? Pourquoi elle est pas là, ma maman ?
− J'y crois pas ! Putain, je vais me la faire !
Je m'approche en rugissant dans ma barbe négligée de trois mois. J'arrive si vite sur elle que ça me surprend moi-même. Je lève mon bras pour lui en décocher une violente et je l'abats de toutes mes forces. J'ai jamais voulu taper aussi fort sur quelqu'un ! Elle me sort par les trous de nez, la môme. Elle va l'avoir sa raclée.
Au dernier moment, je croise ses deux yeux. Ils se sont désolidarisés. L'un deux regarde dans les miens et le second est pointé sur ma main. Un frisson me parcourt l'échine. J’ai froid dans l’dos au sens propre et figuré. Elle se contente pas d'avoir les yeux qui sont partis vivre leur vie, ils suivent réellement mes moindres gestes.
Mon bras retombe de lui-même, sans rien avoir frappé. Seul mon esprit l'a été par cette petite. C'est probablement encore à cause de la drogue, mais je n'ai aucune envie de revoir ses yeux jouer au jokari. J’vois plus qu'une solution : faire comme si elle n'existait pas et essayer de dormir. Elle finira bien par s'en aller.
Je m'en vais, retourne sous ma couverture et je me cache de ses yeux gobe lumière. J’me bouche les oreilles et j’tente de m'endormir. Je sais qu'elle murmure au-dessus de moi, j’le sens. Mais je lui donnerai pas satisfaction. Qu'elle aille se faire foutre !

*
**


Je me réveille. Je ne sais pas quelle heure il est. Je sais même pas s'il fait jour ou nuit. J'enlève la couverture et je regarde ma montre. J'ai dormi… Beaucoup d'heure, vu que j'ai aucune idée de l'heure où je me suis écroulé. Puis, je me souviens de la gosse. Je regarde devant moi mais il fait noir. Je plisse les yeux mais mon squat est désert. je suis content, j'avais raison, elle est partie.
Maintenant, le plus urgent, c'est de me refaire une réserve de cam. Jamais je revis la crise de tout à l'heure. Il faut juste que je trouve assez de fric pour tenir une semaine et le tour sera joué. Je m'assieds et je me dis que c'est le bon moment de barrer, les gens sortent du ciné.
− Monsieur, pourquoi tu veux pas me dire où est ma maman ?
Je hurle tout ce que je peux. La voix venait de derrière moi. Si près que j'ai senti son haleine chaude dans mon cou. Mon cri s'arrête pas. J'aurais jamais cru que je pouvais sortir des sons aussi aiguës. Tétanisé, je la sens derrière moi. J'imagine qu'il se produit un mélange entre les yeux baladeurs et les visages maudits. À cette idée, même ma voix se barre en courant. Mes muscles ne veulent plus répondre.
− T'es méchant, monsieur !
Je suis méchant, je suis méchant ! Elle est bien bonne, celle-là. C'est moi qui crie de trouille et qui ne peut pas bouger. Même si j'en étais capable, je ne suis pas sûr que je le ferais. Le problème ne se pose pas puisque je ne contrôle plus rien. Près de ma tête, je sens qu'elle commence à bouger. Impossible de savoir ce qu'elle va faire mais je crois pas que ça va me plaire. J’ose pas lui répondre ça mais j’aimerais bien.
− Puisque que c'est ça, je m'en vais, moi ! Na ! T'es méchant !
Mon corps se détend soudain et j'ai la réponse à ma question car la première chose que je fais est de me retourner juste à temps pour la voir s'évanouir, non pas dans la nature, mais dans rien du tout. Elle s'évapore, elle disparait, elle monte au ciel, elle fait ce qu'elle veut, je m'en branle, tant qu'elle se barre de chez moi.
Je m'écroule sur ma couverture, crevé par la tension physique et nerveuse. J'ai une certitude : j'ai fait un bad trip. Pourvu que ça n'arrive plus jamais. Je tends les bras derrière moi et je heurte un objet. Je le prends dans ma main pour le regarder. Aucune idée de ce qu'il fout ici. C'est clair que c'est pas à moi mais je l'ai jamais vu ici avant. Alors, je me mets à parler à voix haute en connaissant pourtant déjà la réponse sans vouloir la croire parce que ça m'arrange bien :
− D'où vient ce putain de poudrier rose ?

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 20 janvier 2007 à 13:04
Dur, dur... jusqu'ici le niveau était plutôt bon, les deux premiers chapitres étaient intéressants, bien écrits, nous tenaient en haleine, mais là…
Jusqu’ici je me disais qu’en m’appliquant je pouvais me hisser à peu près au niveau, en m’appliquant bien sûr … mais là…

Quel claque, j’en suis sur le cul, rassurez-moi, vous n’en êtes pas à votre coup d’essai…

J’avais envie d’écrire un peu, je pense que je vais aller me coucher.

Le niveau vient brusquement de monter de trois crans.
Ok le langage est un peu cru, mais sans nul doute c’est le seul qui convient.

Que faut-il dire dans ce cas là « Chapeau bas ! » ou « Merde, fait chier ! »

C’est ce qu’on appelle un coup bas, on veut faire une course en mob et l’autre s’radine avec une 650 Kawa
C’est pas du jeu, « y veut nous renvoyer à l’école ou quoi !! »
Bon ben M’sieurs dames, content d’vous avoir connus.



Et bien j’ai du mal à m’y mettre.

Question : faut-il fumer pour avoir l’imagination aussi agile ?

Si oui c’est foutu.

Bon on va quand même se remettre au travail, j’ai l’air con avec ma fine équipe qui se ballade gentiment dans les bois, va falloir qu’ils se défoncent ceux là ….

A + … peut-être.


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La culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié... J'ai oublié de qui c'était      Encore faut-il qu'il reste quelque chose


Posté par: annalekt
Posté le: 20 janvier 2007 à 15:53
J'A-D-O-R-E!,je pense qu'il ne faut pas t' accabler mais plutot te féliciter,car tu arrive a me faire ressentir le milieu,le desespoir,le bien etre ou le mal etre,leur style de vie....de tes personnages et je pense que c'est ce qu'attends un lecteur d'un écrivain,ton histoire j'aime énormmement et j'attends la suite avec une très,très grande impatience.je te remercie de partager ce texte avec nous .bonne soirée.

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Un clown,c'est toujours triste.


Posté par: annalekt
Posté le: 20 janvier 2007 à 15:57
bonsoir patrick delay,je pense qu'il ne faut pas fumer pour avoir une imagination aussi agile,mais il faut simplement du talent et une grande ouverture d'esprit.je te souhaite une bonne nuit puisque apparament tu es déjà couché. .

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Un clown,c'est toujours triste.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 20 janvier 2007 à 16:45
Message posté par annalekt

bonsoir patrick delay,je pense qu'il ne faut pas fumer pour avoir une imagination aussi agile,mais il faut simplement du talent et une grande ouverture d'esprit.je te souhaite une bonne nuit puisque apparament tu es déjà couché. .



Et bien tu vois qu'on peut être d'accord....et non pas encore couché.

Bonne nuit

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Posté par: whismerhill
Posté le: 21 janvier 2007 à 03:34
Bonjour

D'abord merci pour vos commentaires qui, vous vous en doutez bien, m'ont fait extrêmement plaisir.
Non, Patrick, je ne fume pas, ni cigarette, ni truc qui fait rigoler ;-)... En l'occurence, cette idée m'est venue dans un rêve (c'est souvent le cas). Mais c'est juste le premier chapitre que j'ai presque entièrement rêvé. Le reste, c'est l'imagination et la réflexion sur la façon de raccrocher les wagons d'un tel récit... Et je vous assure qu'il reste des rebondissements à venir ;-)

Pour quelqu'un qui écrit, c'est toujours extrêmement agréable de trouver des lecteurs... Alors merci à vous de me lire, c'est la plus belle des récompenses.

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: annalekt
Posté le: 21 janvier 2007 à 04:27
bonjour whismerhill,tu n'as pas à nous remercier de te lire quand on n'a du talent c'est normal d'avoir des "fans" bon dimanche.

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Un clown,c'est toujours triste.


Posté par: Patrick Delay
Posté le: 22 janvier 2007 à 01:29
Message posté par annalekt

bonjour whismerhill,tu n'as pas à nous remercier de te lire quand on n'a du talent c'est normal d'avoir des "fans" bon dimanche.


Tu n'as aucune obligation de le faire, c'est vrai.
Mais continue tout de même car de constater que ce que l'on dit a de l'intérêt pour quelqu’un c'est bien agréable.


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Posté par: whismerhill
Posté le: 24 janvier 2007 à 05:46
Voici le chapitre IV. Bonne lecture ;-)

IV: Marc cherche,...

Je ne me rendormis pas cette nuit-là. Claire appela simplement la police et les décommanda, selon ses propres termes. Qu’elle, qui aime tant commander, puisse décommander quelque chose avait un je-ne-sais-quoi de surnaturel. Elle n’avait eu aucun mal à trouver une excuse pour qu’ils ne se déplacent pas. J’en aurais été incapable. Je mens très mal et cela se voit. Elle le voit.
Nous nous recouchâmes comme si de rien n’était. Les soubresauts que je perçus au bout de quelques minutes me prouvèrent, sans aucun doute possible, que j’étais le seul à me sentir mal. Je n’avais pas rêvé et elle n’avait pas pu s’enfuir, — tout était fermé à clé — pour aller où, de toute façon. Entre ces deux certitudes, un mystère. Je décidai d’aller voir les propriétaires de la maison en construction, où j’avais trouvé Cylia, dès le lendemain.
Cylia… Ce prénom me faisait sans cesse penser à Simon & Garfunkel et leur chanson Cécilia. J’ai longtemps cru qu’ils disaient Cilia avant de comprendre que je me fourvoyais depuis le début. Lorsque la petite m’avait dit son prénom, c’était la première idée qui m’était venue en tête.
Je passai une partie de la nuit à me demander quelle était la meilleure manière d’aborder ces gens. Je ne devais pas leur paraître trop étrange. Après tout, ils étaient mes futurs voisins, même lointains. Inutile de détruire nos relations avant même de les créer.
Le reste de la nuit me servit à réfléchir sur les alternatives que j’aurais si jamais — comme je le craignais — ces personnes n’avaient pas de fille et ne connaissaient aucune Cylia. Demain, j’irai pianoter frénétiquement sur le oueb, et aussi au commissariat, chercher si aucune petite fille avec ce prénom n’aurait disparu.
Six heures trente. Il était tôt, mais si je me levais, elle ne trouverait pas cela étrange. J’expédiai mon petit-déjeuner plus vite que si j’avais rendez-vous avec le pape lui-même. Je fis ma toilette plus rapidement encore : les dents, un peu d’eau sur le visage, du déodorant, et le tour est joué.
Étape numéro une, retourner sur le chantier. Je sortis et me dirigeai vers la construction comme je l’avais fait la veille. Il faisait plus sombre hier mais guère plus. J’arrivai devant et restai un moment à observer la bâtisse. Je ne sais pas ce que je cherchais à ce moment précis.
Je montai les escaliers en béton. Chaque pas était l’occasion d’un flash me remémorant hier. La moindre seconde me revenait embrumée, effilochée, comme venant d’un mauvais rêve. J’enrageais intérieurement de ne rien pouvoir faire face à cet oubli programmé d’une partie de ma vie.
Je me retrouvai dans la pièce où la rencontre s’était produite. Le jour se levant, je réalisai que cela allait probablement être une chambre. Et à sa superficie, je pus déduire qu’elle pourrait fort bien être la chambre de Cylia. Je m’avançai vers le coin où je l’avais vue. Des picotements m’étreignirent les bras, comme s’ils étaient engourdis.
Je m’accroupis. Je cherchais un indice corroborant ce que je pensais être la réalité. De longues minutes, je ne vis rien, jusqu’à ce que je me demande comment j’avais fait pour ne rien remarquer. Peut-être parce que l’objet était anodin ? Par terre était posé — non ! Placé. — un exemplaire du magazine PaP (Particulier à Particulier). Il était très ancien mais parfaitement conservé. Je regardai la date sur ma montre, mécaniquement. Ce journal avait sept ans.
Je crus d’abord à un hasard sans intérêt, mais je trouvais curieux la façon dont il avait été disposé, comme si l'on avait voulu que je le trouve. Je restai là un moment à réfléchir, à observer les alentours, à jouer à Sherlock Holmes. Je dus toutefois me rendre à l'évidence : je n'avais rien d'un détective alors je pris mes cliques et mes claques et rentrai chez moi prendre un petit déjeuner bien mérité.
Elle m'attendait, pleine de reproches, comme d'habitude. J'eus droit à « Où étais-tu encore ? » mais aussi à « Pourquoi m'as-tu encore laissée seule ? » pour terminer par l'indispensable « Tu as une maîtresse, c'est ça ? ». Devait-elle se sentir si peu sûre d’elle pour craindre systématiquement cette éventualité !
Nous déjeunâmes après que je lui ai dit ce qu’elle désirait entendre. C’était le seul moyen que j’avais trouvé pour avoir la paix. J’allai même jusqu’à lui proposer de m’accompagner au commissariat. Je connaissais son agoraphobie. Je savais qu’elle ne viendrait pas et elle ne me déçut pas. J’en profitai pour maximiser l’estimation de durée de mon absence, en lui disant que je serais là pour onze heures. Ainsi, j’aurai tout le loisir de prendre mon temps afin de mener mon enquête.
J’enfilai mon manteau sous l’œil dubitatif de Claire et sortis en poussant un soupir de soulagement. Je tirerai cette affaire au clair, qu’elle le veuille ou non. J’allais devoir être prudent car, à coup sûr, elle allait fouiller mes vêtements de fond en comble, à peine le pas de la porte franchi. Je n’avais rien à cacher… Enfin pour l’instant car un pressentiment m’étreignait depuis maintenant presque sept heures ; depuis que j’avais trouvé Cylia. J’avais subi son attraction. Son prénom et son visage tournaient en boucle dans mon esprit. J’étais sûr qu’il y avait une raison et je devais la trouver. La réponse était peut-être au commissariat.
L’exemplaire de PaP, que j’avais trouvé dans la maison, était toujours posé sur le siège conducteur de ma voiture, là où je l’avais mis en revenant de ma visite. Je le déplaçai côté passager. Son contact me procura quelques fourmillements dans l’avant-bras comme après s’être endormi dessus — je n’avais pas dormi — mais je n’y prêtai pas attention. Un faux mouvement, sans doute.
J’avais décidé de commencer par téléphoner à mes futurs voisins. D’abord, il me fallait récupérer leur numéro sur le panneau du permis de construire. Une fois fait, je composai fébrilement les dix chiffres magiques sur mon portable. La sonnerie me parut très longue, mais je n’en comptai pas plus de trois. Une voix féminine m’accueillit, encore un peu enrouée. Il était tôt. Sans prendre de gant, je lui demandai si elle était bien la future propriétaire de la maison près de chez moi. Sa réponse affirmative amena ma question sur une éventuelle petite fille prénommée Cylia. Je ne fus même pas déçu de ce qu’elle me dit. Je m’y attendais. Cela se résuma à « Nous n’avons pas d’enfant, mon mari et moi. ». Elle me bombarda alors de questions pour savoir qui j’étais mais je conclus par les formules de politesse sans m’expliquer et raccrochai. J’avais mis le tact au placard !
Je me rendis compte que pendant toute la conversation, je m’étais mis à feuilleter le magazine, mécaniquement. Difficile de dire si des images s’étaient imprimées mais certaines photos ne m’étaient pas étrangères. Avais-je été en contact avec ce numéro ? Et dans quelles circonstances ? Est-ce que cela avait un rapport avec Cylia ? Difficile à dire.
Je jetai ma lecture sur le siège arrière et démarrai, direction le commissariat. Pourtant, dans ma tête, les quelques photos que mon cerveau avait imprimé ne voulaient pas s’en aller. Elles tournaient en boucle dans mon esprit.
J’arrivai au commissariat de mon quartier, tout excité à l’idée de ma recherche et, peut-être, de mes découvertes. J’essayai d’en dire le moins possible à l’officier qui s’occupa de moi. Je ne voulais rien lui cacher mais je craignais qu’il ne me prenne pour un fou. Il ne mit pas longtemps à me trouver la liste des Cylia déclarées disparues. Le prénom n’étant pas courant, elle ne comportait qu’une entrée. Malheureusement, l’équipement laissait à désirer et le terminal monochrome du policier ne lui permit pas de m’afficher une photo. Il me donna l’adresse — j’en fus surpris, je pensais qu’il serait réticent — et je partis avec ma prise de guerre.
Coup de chance pour moi, ils n’habitaient pas très loin, eux aussi dans la banlieue est de Paris. Mon excitation n'avait d'égal que mes craintes de me voir opposer une fin de non-recevoir. Je conduisis en automatique. Mes vitesses étaient manuelles, mais je ne réalisai pas le chemin que j'avais parcouru. Heureusement, mon GPS fut nettement plus attentif.
Je m'arrêtai lorsqu'il me dit d'une voix suave et féminine : « À...Disse... Mètres... Vous êtes arrivé. ». Immédiatement, je me rangeai sur le bas côté et coupai le moteur. Je regardai le numéro sur la feuille que m'avait donné le policier, puis la maison portant le même. Ma réponse était à une quinzaine de mètres — n'en déplaise à la demoiselle électronique — mais je rechignais à descendre, comme un collégien amoureux qui n'ose pas faire sa déclaration. Je n'étais ni au collège, ni au lycée et je sortis de mon véhicule, direction le numéro dix-neuf, le cœur battant.
Lorsque je me trouvai devant la porte, je pris sur moi et sonnai. Elle s'ouvrit instantanément comme si quelqu'un se trouvait derrière. C'était le cas.
La femme qui m'avait ouvert était jeune (et jolie). J'avais préparé mon discours mais au dernier moment, les mots me manquèrent. Devant mon silence, elle me demanda poliment ce que je désirais. Je lui répondis que je venais pour sa fille. Elle me laissa entrer et je vis tristement, dans l’entrée, une photo de sa fille Cylia. Elle était blonde et avait douze ans. Mon moral s'effondra !
Je repartis chez moi, ne sachant plus vraiment quoi faire. Les quinze minutes de mon trajet ne m'inspirèrent pas. Aucune idée ne vint illuminer ma triste fin de matinée, et j'arrivai dépité devant ma porte. Je l'ouvris. Claire se précipita vers moi depuis le salon. J'aurais juré qu'elle m'avait attendu. Son visage était grave, presque méchant. Elle me dit en insistant sur chaque syllabe comme si j'étais un enfant :
− Une jeune femme t'attend dans le salon
J'étais surpris et le lui fis comprendre.
− Une femme ? Que veut-elle ?
− Je ne sais pas ! répondit-elle hautaine et, sans doute, vexée. Tu n'auras qu'à le lui demander.
Puis, elle tourna les talons et s'enfuit dans la cuisine. Je savais qu'elle mourrait d'envie de savoir. Moi, j'étais mort dès que ma visiteuse serait partie.
J'entrai au salon et dis bonjour avant même de l'apercevoir. Elle se leva et me fit face. Je me décomposai et tentai de parler. Les mots que je balbutiai auraient pu se traduire ainsi :
− Vous ? Mais que faites-vous là ?
Mais la seule chose qui sortit réellement fut :
− Vo ? Mai vou là que fé ?
Elle sourit.


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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: annalekt
Posté le: 24 janvier 2007 à 06:32
bonjour,vite,vite la suite!j'adore et suis prise dedans,ne tarde pas c'est trop génial,allait,allait au boulot ,bonne journée.p.s:ouab s'écrit web.

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Un clown,c'est toujours triste.


Posté par: whismerhill
Posté le: 30 janvier 2007 à 03:37
Et voici le chapitre V : Amélie trouve,...

C'est toute retournée par les événements de la veille que je décidai de prendre le train, direction Paris, mon ancienne ville. Des Nancy-Paris toutes les heures, ou presque, faciliteraient la disparition de mon impatience. Je m'étais rendue à la gare mais, devant l'ampleur des travaux en cours, je restai ahurie. Je crus, sur le moment, qu'ils étaient en train de la détruire entièrement.
Je repris mes esprits et me dirigeai vers un guichet électronique — sale bête ! — et bataillai ferme avant que l'automate ne daigne me cracher un billet au visage. Ces engins n'ont aucune politesse, même programmée. J'oblitérai immédiatement le précieux sésame car, par chance, le train partait dix minutes plus tard. Mieux, c'était un express : aucun arrêt à Trifouillis-les-Oies et Brie-Comte-Robert. Joie et félicité !
Je me dis tristement qu'à quelques mois près, j'aurais pu prendre le nouveau TGV et mettre une heure de moins. Attendre six mois pour gagner une heure, voilà bien une idée plus idiote encore que mes pensées habituelles. Heureusement que, malgré ma propension à être instinctive, j'arrivais habituellement à tourner ma langue sept fois dans ma bouche. Enfin, parfois !
Je montai dans le wagon et m’assis à ma place numérotée, dans un compartiment parfaitement vide. Je restai seule plusieurs minutes dans cette petite pièce à imaginer ce que j’allais bien pouvoir dire à ce couple : « Bonjour, messieurs dames. Pourriez-vous me parler du fantôme que vous avez vu la nuit dernière ? Moi-même, j’ai vu cette petite fille qui n’existe pas ! » Je souris, presque à mon insu. Et femme qui rit est à moitié dans ton lit, ce qui est vrai puisque je suis dans mon propre lit tous les soirs. À nouveau, je pouffai seule. Si quelqu’un s’était trouvé avec moi, il m’aurait prise pour une folle !
Le train démarra. Je regardais par la fenêtre quand j’aperçus Cylia. Elle était là, debout sur le quai, me tournant le dos. Je ne voyais pas son visage, mais j’étais certaine que c’était elle. Ses longs cheveux noirs, sa silhouette, sa taille : tout correspondait.
J’étais subjuguée par sa présence. Je ne l’avais pas vue depuis la veille et elle me manquait. Soudain, je fus déconcentrée par la porte du compartiment qui s’ouvrait et détournai mon regard. Une jeune femme, d’un peu moins de trente ans, le ventre très proéminant, entra. Avec un peu de chance, elle allait accoucher pendant le voyage, pensai-je.
Je pivotai immédiatement pour regarder à nouveau cette petite fille dont j’avais rêvé toute la nuit. Elle n’était plus là. Je bougeai frénétiquement la tête dans tous les sens pour la retrouver quand je tombai dessus. Elle me faisait face à une dizaine de mètres. La déception était à la hauteur de l’espoir que sa vue m’avait apporté. Je m’étais trompée. Ce n’était pas elle mais une autre petite fille qui lui était semblable. Cela ne faisait aucun doute, malheureusement.
J’étais abattue car je pensais réellement revoir celle qui avait bouleversé ma vie en juste quelques minutes. Je m’affalai dans mon siège en ruminant. Mon regard croisa ma colocataire. Je n’avais pas remarqué à quel point ses yeux étaient noirs, de même que ses cheveux. Ils étaient lisses et lui arrivaient à la taille. Les reflets violacés étaient du plus bel effet. La jeune femme était en train de ranger ses affaires avant de s’asseoir sur un siège en face de moi prenant soin de se décaler légèrement pour que nos jambes n’aient pas à se toucher.
Son visage me fit penser à Cylia. Encore et toujours ! Je me rendis compte que, quoique je fasse, qui que je vois, je n'avais plus qu'elle en tête. La folie s'emparait de moi car je savais pertinemment que tout ceci était parfaitement ridicule.
Pourtant, mes yeux ne parvinrent pas à s'éloigner de cette femme enceinte, me rappelant les heures les plus noires de ma vie, celles que je désirais tant oublier. Les souvenirs remontaient peu à peu en moi ; les larmes aussi. In extremis, je détournai le regard afin qu'elle ne puisse voir ce qui coulait maintenant en continu. Dans le même mouvement, je me levai. Je devais me rafraîchir. De l'eau froide sur le visage ne pouvait pas me faire de mal.
Dans le couloir étroit, je cherchai un mouchoir dans ma poche et tombai sur le ticket de RER ramassé à terre, la veille. Immédiatement, ma crise reprit plus fort encore, incontrôlable. Je ne pouvais pas m'arrêter alors je poursuivis le plus rapidement possible jusqu'au bout du wagon et son robinet salvateur. Je fus ballottée à gauche à droite tout le long, mais j'y parvins rapidement sans rencontrer personne. Dieu merci ! Je ne sais pas si j'aurais réussi à soutenir un regard d'incompréhension et de désapprobation tel que je l'imaginais déjà dans mon esprit.
Je m’enfermai dans la cabine.
− Mais que m'arrive-t-il ? dis-je en geignant telle une gamine de quinze ans qui vient de se faire plaquer.
Je me toisai dans la glace d'un air réprobateur. Je me sermonnais toute seule. Après m'être comportée comme une adolescente, je me mettais à me gronder. J'aurais pu être ma propre mère ! Les deux bras posés sur le lavabo en plastique sale, je sentis la force de mes muscles me quitter. Je flageolais. Et ce billet qui passait devant moi, imaginaire, pour me narguer. Et aussi cette femme enceinte qui m'obligeait à me juger toute seule. C'était plus que je ne pouvais en supporter. Alors, je craquai à nouveau en alliant, cette fois, les cris au liquide rêche et salé coulant sur mon visage.
Ma voix raisonna dans la cabine exiguë. La douleur était forte. J'avais enfoui ces images dans les tréfonds de mon esprit depuis si longtemps qu’elles étaient remontées à vitesse folle pour me jeter mes actes en plein visage, avec dédain et mépris. J'étais partagée dans mes sentiments entre peur, colère, tristesse et besoin de vengeance.
Je me calmai, en reprenant mon souffle, comme je l'avais si bien appris à mon cours de yoga hebdomadaire. J'en sortais toujours détendue ; tellement détendue que, la plupart du temps, j'en pleurais de soulagement. Je me reconcentrai sur le but de mon voyage : trouver ces personnes qui avaient aperçu, elles aussi, Cylia.
Soudain, je reçus une gifle, pas assez forte pour me faire vaciller mais suffisamment pour que je doute significativement. J'épelai à haute voix la cause de mon désarroi :
− Comment un policier de Nancy peut-il savoir qu'une personne habitant en banlieue parisienne a vu Cylia hier soir ?
Je continuai intérieurement.
Il m'a dit lui-même qu'ils avaient reçu un appel hier et qu'il y était allé. Enfin, il me semble que c'est ce qu'il a dit !
J'essayai de le revoir en train de me parler, de l'écouter à nouveau pour comprendre les mots sortant de sa bouche. Mes souvenirs étaient un peu flous, mais ils se précisaient d'instant en instant. Enfin, je parvins à observer son visage. Il m'était familier et je ne l'avais pas remarqué sur le coup. Je me demandai où j'avais pu rencontrer cet homme, quand un bruit sourd me sortit de mes cogitations. Quelqu'un à l'extérieur avait visiblement très envie d'utiliser les toilettes.
Je m'essuyai les mains, et sortis en m'excusant de les avoir monopolisées si longtemps. L'homme me fit un signe de tête.
Je n'étais plus triste mais toujours terriblement perturbée par tout ceci lorsque je rejoignais ma place. La femme enceinte n'était plus là. Le compartiment vide me renvoya à mon désarroi. Puis, je vis que ses affaires n'avaient pas bougé. Au-dessus des sièges, se trouvaient une valise et un petit sac, ce qui me rassura.
Le train arriva à la Gare de l'Est. Comme d'habitude, la foule pressée de descendre avait pris d'assaut les couloirs. Inutile de bouger pour l'instant, la sortie allait se faire au compte-goutte. Le temps ne m'était pas compté, nous étions au terminus. Je laissais la meute s'entre-dévorer.
Je n'avais pas revu ma colocataire du trajet. Bien que je trouve cela étrange, je ne cherchai pas à comprendre. Mon but était proche et je ne voulais pas m'en éloigner. Qu'une femme enceinte passe deux heures aux WC n'avait, en soi, rien que de très naturel.
Une fois tout le monde dehors, je rassemblai mes bagages (une simple valise de voyage, en fait) et je pris la direction de la station de RER près de la Gare du Nord, à quelques pâtés de maison. La ligne E m'accueillit avec indifférence, contrairement à moi qui était submergée par des sentiments contrastés. J'achetai mon ticket, attendis une rame et montai dedans. Il n'était guère rempli, mais ces personnes suffirent, avec l'heure, à me rassurer.
Je descendis à Noisy-le-Grand, ville dont j'avais souvent entendu parler sans jamais y avoir mis les pieds. Je restai un moment à regarder béatement ce panneau puis mon regard se tourna vers le quai et je cherchai quelqu'un de connu, mais en vain. Je posai ma valise et sortis l'itinéraire viamichelin que j'avais imprimé avant de partir. Il me restait deux kilomètres trois cent cinquante avant d'avoir des réponses.
Ils habitaient un joli pavillon, un peu à l'extérieur du centre-ville. Le jardin était minuscule, mais leurs voisins ne semblaient guère mieux lotis. Le cœur battant, je m'approchai de la porte et frappai dessus énergiquement. Je n'avais pas vu la sonnette. Pourtant, il y en avait une.
Une dame d'une quarantaine d'année, un peu hautaine mais très distinguée m'ouvrit. Son regard était accusateur, inamical, presque haineux à certains moments. Clairement, elle n'était pas ravie de me voir ici. Jamais, je n'avais songé que j'aurais pu trouver porte close ; qu'ils auraient pu être partis. À retardement, je fus soulagé, malgré le cerbère qui venait de m'accueillir. Je sus immédiatement que ce n'était pas à elle que je devais parler.
− Bonjour, pourrais-je parler à votre mari, s'il vous plaît ?
Je m'attendais à des questions, une demande de justification, mais rien ne vint et elle répondit juste aussi sèchement qu'elle le put.
− Il n'est pas là ! Il ne devrait pas tarder.
Elle me fit entrer dans le salon et j'attendis sans qu'elle ne m'adresse plus la parole, ni ne fasse attention à moi, ce qui me convint parfaitement. Une dizaine de minutes s'écoulèrent avant que je n'entende la porte d'entrée s'ouvrir. Elle se précipita dans le couloir comme si je n'existais pas.
Je perçus quelques mots de la conversation sans arriver à comprendre le sens. Il y avait trop de trous. Le mari entra et me dit bonjour sans me regarder. Je lui répondis doucement, mais ma voix fut occultée par le baragouinement qui sortit de sa bouche.
− Vo ? Mai vou là que fé ?
Je souris sans être surprise par son visage. Je devais m'en douter depuis le début. Lui pas, à voir son étonnement !

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: annalekt
Posté le: 30 janvier 2007 à 06:52
j'adore toujours autant mais je trouve ce chapitre moins palpitant que les autres,mais sur la fin ca redevient....comment dire....fou!ils se connaissent?,comment cela ce fait- il?,tu vois on n'en revient à ce poser des questions et a vouloir savoir la suite.et vite s'il te plait,ne me fais pas languire autant c'est trop bien,j'attends la suite avec GRANDE impatience. ah oui!a propos merci.bonne journée.

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Un clown,c'est toujours triste.


Posté par: whismerhill
Posté le: 30 janvier 2007 à 07:09
Allez, je ne te fais pas bisquer plus longtemps...
tu peux lire la suite sur : http://www.whismerhill.fr/cylia_index.php - http://www.whismerhill.fr/cylia_index.php

Alors bonne lecture ! ;-)

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Ecrivaticien dans l'âme.


Posté par: annalekt
Posté le: 30 janvier 2007 à 14:20
je t'adore,merci t'es super.je me reserve pour demain car j'ai congé demain après-midi,encore mille mercis.bonne soirée.

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Un clown,c'est toujours triste.



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