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Mes quinze romans déjà...

Imprimé depuis: Guide de la bonne lecture
Categorie: Connexes à la lecture
Nom du Forum: Vos écrits
Description du Forum: Un petit poème, un petite nouvelle...
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Date: 28 mars 2024 à 09:15
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Sujet: Mes quinze romans déjà...
Posté par: EhJoe
Sujet: Mes quinze romans déjà...
Posté le: 03 décembre 2011 à 02:09
Bonjour à tous,

Sur les quinze romans que j'ai écrit, en voici une dizaine en présentation :



Livre électronique ou livre papier (couverture de l'auteur, huile sur toile):

http://irolog.free.fr/_gratuit/10romansGratuits/index.htm - vous pouvez les télécharger d'ici

Bonne lecture, retour avec plaisir...



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Cordialement.

Joe.



Réponses:
Posté par: denis76
Posté le: 03 décembre 2011 à 02:43
Bonjour et bienvenu sur ce forum !

Eh bien,tu es prolixe !

Peux tu nous envoyer une "premiere page" d'un de tes romans, pour qu'on se fasse une idée ?

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Posté par: EhJoe
Posté le: 03 décembre 2011 à 09:30
Bonjour Denis,

A toutes les décorations qui surplombent ton pseudonyme, je présume que tu es le roy....

Alors moi je veux bien mettre une, dix ou quarante pages (pas davantage), mais et comment, à savoir, j'indique par exemple "extrait de tel roman, chapitre I page une", et je glisse le texte en dessous, est-ce que ça ira ?

Prolixe, oh, non, en moyenne ça fait un roman tous les trois ans, on fait mieux...

Au plaisir, cordialement.


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Cordialement.

Joe.


Posté par: denis76
Posté le: 04 décembre 2011 à 03:21
Hey Joe !(tu connais la version de Popa Chubby, trop extra !)

Non, c'est facile d etre le roy ou la reine (dès 300 messages environ), il y en a une dizaine sur ce forum !

Oui, tu fais ça même, un copier-coller d'une premiere page ! Si tu as un roman historique ou un thriller, c'est ce que je prefere comme pas mal de forumeurs ici...Tu peux aussi mettre de la fiction ou du fantasy, elles aiment.

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Posté par: EhJoe
Posté le: 04 décembre 2011 à 13:35


Bonjour à tous,

Alors, suite à la demande, voici les dix romans (format poche) que je publie. Romans constitués de l'indication du thème ainsi que du texte de la quatrième couverture et d'un extrait que j'espère significatif, disponibles en e-book (2, 3 €) et en papier (en moyenne 14 € + expédition).

Je tiens à préciser que j'ai dû par autocensure retirer certains romans suite aux persécutions des lois liberticides de 1990 à 2006, législation contre la liberté de penser dont de nombreux auteurs se plaignent, et notamment Max Gallo de l'Académie française.

In fine, il peut y avoir une perte partielle de la mise en page sur le forum, merci de m'en faire grâce.

Cordialement.

Joe.

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L'ŒIL DE VOR

Science-fiction (200 pages)

Quatrième couverture

Il sera une fois, un pilote de vaisseaux intergalactiques, un homme, et puis sa femme, ils s'aimeront à la folie. Mais l'injustice et la mort les sépareront. Y aura-t-il une vie après la mort ? Dans longtemps, bien plus longtemps que l'éternité ; loin, bien plus loin que l'infini, l'œil de Vor aura la réponse, car il saura tout, enfin, presque...

*

Prologue

Le créateur de toute chose n'a pas fait l'homme pour vivre seul, sa force maximum ne peut être atteinte que s'il est uni avec son autre moitié : la femme, qui font alors un tout que rien ne peut détruire, même pas la mort. L'amour est vie, le véritable amour sincère et pur ne peut mourir.

Partie première
Le départ

Chapitre premier

Les trompettes électro–pneumati¬ques retentirent dans la grande salle circulaire du tribunal permanent des forces galactiques ; en même temps, le juge–ordinateur descendit du haut de l'immense voûte, comme un Dieu venu des cieux. Lorsque la machine reposa au sol, une trappe s'ouvrit dans le plancher et l'accusé apparut, comme vomi par les entrailles de la terre. La foule était dans l'hémicycle, tout autour des protagonistes dont les plus hauts rangs se situaient à plus de dix mètres de hauteur. Aucun bruit ne fusait, un silence total régnait, comme imposé par la solennité du moment. L'accusé et la machine se faisaient maintenant face, semblant se jauger mutuellement, mais ce n'était qu'une impression. L'homme qui allait être jugé était vêtu d'un uniforme bleu nuit des pilotes de vaisseaux spatiaux ; sur ses épaulettes brillaient les deux barrettes dorées du grade de lieutenant. L'un de ses poignets se trouvait enserré par un câble qui lui servait à la fois de lien et de fil d'obéissance. D'une taille moyenne d'un mètre soixante quinze environ, les yeux gris de l'officier jetaient comme des éclairs d'acier. Des cheveux bruns si courts qu'ils laissaient deviner le crâne, surmontaient un visage buriné et exempt de toute pilosité. Son corps musclé et trapu eut comme un frisson : D'une voix impersonnelle, l'ordinateur s'adressa à l'homme :
— Identification de l'accusé : nom et prénoms ?
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LE BAGNE DES ORPHELINS

Histoire vécue, pensions des années 1960 (208 pages)

Quatrième couverture

Bandit, voyou, voleur, chenapan... Jadis j'étais l'un d'eux, un mauvais garçon disait-on. Alors ma mère m'abandonna, elle me mit en pension. Je pris 7 ans ferme, sans aucun espoir de remise de peine ! En uniforme derrière des murs gris, avec des éducateurs en guise de matons. La pension c'est comme si on se réservait une place prioritaire pour la prison... Ce n'était plus le Grand Meaulnes, mais presque. Rien ne manquait : les punitions, les corrections... Et aussi les amis et les bagarres... Une enfance pas comme les autres. J'y entrais à 10 ans, juste après la disparition de mon père ; j'en ressortais à 17 ans, juste après la mort de ma mère. Telle est mon histoire, une histoire "vraie", celle du bagne des orphelins...

*

I   L'arrivée

Je suivais la grande dame vêtue de noir qui marchait d'un pas rapide dans l'allée bordée d'arbres. Il fallait presque que je coure pour ne pas la perdre de vue dans cette nuit glaciale de janvier. Les yeux rougis par le chagrin, de gros sanglots me soulevaient la poitrine. Ma mère venait de m'abandonner, de me mettre en pension comme elle disait et c'était cette grande dame tout en noir qui était à présent responsable de ma destinée.
— Allez, dépêche toi et arrête de pleurer, lança-t-elle, manifestement agacée par mes sanglots et mon manque de rapidité.
De chaque côté de nous, se découpait derrière les arbres la silhouette des pavillons d'habi-tation. Arrivés au niveau du troisième bâti¬ment, nous tournâmes sur la droite et pénétrâ-mes dans ce dernier. Sitôt, un bruit confus nous parvint, nous fîmes encore quelques pas, puis ayant ouvert la porte vitrée, la dame me poussa doucement dans la pièce.

Je crus que mon cœur s'arrêtait de battre ! Il me sembla qu'il y avait des milliers de personnes, toutes des enfants comme moi. A mon arrivée ils se turent, me scrutant de la tête aux pieds, ensuite, ils se remirent à parler doucement, je restais là indécis. La dame en noir me désigna une table où il y avait une chaise inoccupée :
— Assieds-toi, as-tu mangé ?
N'obtenant pas de réponse, elle vint me servir quelque chose qui n'attira pas mon attention. Mes larmes coulèrent de plus en plus à tel point qu'il me fut impossible de discerner les autres enfants à ma table ; ces derniers discutèrent entre eux, ne se souciant plus de moi. Ils virent bien que ce soir leur curiosité ne pourrait être satisfaite, car je n'étais pas en état d'être questionné, la séance serait sans doute pour demain.

Pendant le repas, je ne pus avaler quoi que ce fut et c'est le ventre vide que je montai avec les autres au dortoir, cette immense salle était impressionnante avec sa double rangée de quinze lits.
Après m'avoir remis mon matériel de couchage, la dame me désigna un lit, mais voyant que j'étais bien incapable de le faire moi-même, elle me le fit tout en me disant d'aller me dévêtir afin de pouvoir faire ma toilette. Je me retrouvais nu comme un ver sur le carrelage glacé du dortoir. Les autres s'étant lavés, avaient tous regagné leur lit, de ce fait je restais seul à affronter l'eau froide. Fidèle à la tradition des chats, quelques caresses de ma main mouillée sur mon visage suffirent selon mon goût ; et comme personne ne critiquait ma toilette plus que sommaire, je gagnais preste¬ment mon lit afin de m'isoler de tous ces gens.
Certains pensionnaires lisaient, d'autres parlaient à voix basse, les grands lustres suspendus au plafond du dortoir étaient éteints. Seuls, quelques globes fixés sur les murs diffusaient une faible lumière jaune.
— Extinction des feux, couchez-vous et faites silence, dit une voix provenant du fond du dortoir, voix que je reconnus comme étant celle de la femme en noir.
Quelques instants plus tard, les lumières furent totalement éteintes, il ne subsistait qu'une vague lueur provenant des veilleuses.
Il y eut quelques murmures qui peu à peu se tarirent.
J'étais las de cette journée d'émotions, le sommeil aurait dû me terrasser mais la fatigue et l'énervement s'étaient tous deux emparés de moi : que faisaient en ce moment ma mère, ma sœur, et mon petit frère ? Ils pensaient peut-être à moi comme je pensais à eux ? Je n'aurais jamais cru que ma mère me mettrait en pension. Il paraissait que j'étais trop dur, un garne-ment insupportable en quelque sorte. Et c'est pour cela que je me trouvais dans cet internat, je crois que je ne pourrais pardonner à ma mère. Certes étant seule, elle avait beaucoup d'excuses. Néanmoins, aban¬donner son enfant ne pouvait être excusable. Combien de temps allais-je rester entre ces murs ? Que serait ma nouvelle vie ? L'angoisse m'étrei¬gnit. Mes pensées défilèrent dans ma pauvre tête comme dans celle d'un noyé qui sombre dans l'eau traîtresse. Je ne savais plus où j'étais et je m'enfonçais dans un néant de bien-être, un sommeil à la fois reposant et cauchemar¬desque...
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LE GANG DES ANIMAUX

Surnaturel, pseudo-policier humoristique, action (200 pages)

Quatrième couverture

Le singe ramassa le paquet de billets de banque, que l'aigle venait de déposer par terre, pour les entasser dans la poche du kangourou. Les quatre animaux étaient maintenant rangés en ligne, et paraissaient attendre. Un cheval se présenta, le chat puis le singe et en dernier le kangourou, sautèrent sur le dos de l'équidé. Dupuit, fasciné, continuait de regarder quelque chose qu'aucun être humain avant lui, n'avait sans doute jamais vu...

*

Chapitre premier
Le Hold-up

Etienne Dupuit allait comme tous les matins à son travail. Sa fonction d'agent de maîtrise aux Postes et Télécommunications ne lui plaisait pas particulièrement, mais "Il faut bien faire quelque chose", comme il disait. Etienne Dupuit descendit du bus qui venait de s'arrêter juste devant la poste, il regarda sa montre : Neuf heures trois. Il était un peu en retard, mais cela n'avait aucune importance, un chef pouvant toujours se le permettre.
— B'jour M'sieur Dupuit, lancèrent presque à l'unisson les employés de bureau.
— Bonjour, bonjour, répondit laconiquement Dupuit, qui alla s'asseoir à son bureau.
D'où il se trouvait l'agent de maîtrise pouvait apercevoir tous les employés des guichets, ainsi que la clientèle, ha la clientèle, quelle calamité !
Dupuit aurait bien vu un service public sans public.

     Pour la seconde fois de la matinée, Etienne Dupuit regarda sa montre : Dix heures cinq seulement. Il venait de terminer son travail pour la journée en une heure, c'était là son petit labeur quotidien de fonctionnaire, d'ailleurs le sigle PTT le disait bien :"Petit Travail Tranquille". Il allongea ses jambes qui commençaient à se rouiller. A cinquante trois ans passés, encore deux ans et se serait la retraite. Dans sa contemplation béate, il grilla une gauloise légère et se remit à rêver. Là bas, derrière les guichets, une jolie fille venait de rentrer, il la regardait avec intérêt, vraiment elle était mignonne, et sûrement mieux que sa femme, pensa t'il. Il eut un peu de regret quand elle quitta le bureau. Ne sachant où porter les yeux car il n'y avait plus aucun usager, le chef laissa errer son regard un peu partout dans la grande salle.

     La porte d'entrée s'ouvrit, enfin quelque chose qui allait le distraire deux ou trois minutes. Il regarda vers la porte mais il ne vit rien et pourtant celle-ci venait bien de s'ouvrir. En effet, de l'endroit où se trouvait Dupuit, il ne pouvait apercevoir que le dos des employés et le haut des guichets. Il s'agissait sans doute d'un enfant ou d'un gnome pensa t'il. En tout cas quelqu'un de très petit, dont la tête ne dépassait pas la hauteur des guichets.
— Oh, regarde qui est entré, dit une employée à sa collègue.
Cette exclamation tira l'agent de maîtrise de sa torpeur, il daigna se lever, tout en pensant que l'on devrait le payer plus quand il se mettait debout. Arrivé près du guichet, où déjà tous les employés étaient penchés pour voir la petite chose qui venait de pénétrer dans la poste, presque en même temps que les autres, Dupuit vit : c'était un singe, tout ce qu'il y avait de plus simiesque, c'est-à-dire tout moche et tout poilu avec une face de crabe. Mais le singe paraissait savoir ce qu'il voulait, car il sauta sur la petite tablette des guichets et se mit à regarder partout comme s'il évaluait quelque chose. Etienne Dupuit paraissait bien embêté, car il ne savait pas ce que prévoyait le règlement vis-à-vis d'un singe. Il alla se documenter dans les classeurs en cinquante tomes où se trouvait la réglementation. Il chercha à "singe", puis un peu partout, mais ne trouva rien. En désespoir de cause il téléphona à son supérieur. Ce dernier ne sachant pas non plus ce qu'il fallait faire, mais n'osant pas téléphoner à son tour au ministère pour montrer qu'il ne savait rien, dit à Dupuit de se démerder tout seul. L'agent de maîtrise la larme à l'oeil essaya de trouver une solution, sans y parvenir toutefois, quand la providence vint à son secours. De l'autre coté des guichets les événements se modifiaient, le singe était retourné près de la porte et la tenait grande ouverte, ce qui permit à un superbe chat tigré d'entrer à son tour dans le bureau. Dupuit devint tout rouge, allait-il entrer toute une ménagerie dans son bureau de poste à cause de ce maudit singe ? Un chat passe encore, mais les deux à la fois, c'était trop. Que faire ? Là était la question. Etienne Dupuit avait eu en cinq minutes une quantité d'émotions inhabituelles qui lui suffiraient jusqu'à sa retraite.
— Dites Monsieur Dupuit, dit un employé, si on appelait la police ou la fourrière, par exemple ?
— Oui, répondit l'interpellé, je vais voir.
Dupuit maudissait cet employé un peu trop zélé, en se disant qu'il ne passerait jamais chef en ayant des bonnes idées, un bon chef ne devait jamais avoir d'idées dans l'administration. Seul le règlement avait des idées, c'était bien connu.
— Oh qu'il est beau, viens ici minou, disait l'un.
— Il est énorme ce chat, il doit bien peser une vingtaine de kilos, complétait un second employé.
— Qu'il ne m'approche pas, je déteste les chats, annonçait encore une autre fonctionnaire. Le matou semblait peu se soucier de toutes ces observations sur sa personne, il se contentait de se promener de caisses en caisses, en reniflant les liasses de billets comme s'il s'était agi de poissons. L'agent de maîtrise venait d'appeler le commissariat, celui-ci allait faire le nécessaire. Tout content de cette bonne action, Dupuit se dirigea de nouveau vers les guichets, quand un nouvel élément se produisit : par la porte que le singe maintenait ouverte, un gigantesque oiseau pénétra dans la salle. Toutes les femmes poussèrent des hurlements et se cachèrent sous leurs caisses, quant aux hommes, ils n'en menaient pas plus large. L'oiseau se percha sur une enseigne de guichet indiquant "Paiement des livrets de caisse d'épargne". Lorsque tout ce joli monde reprit ses sens, ils purent mieux observer l'oiseau et lui donner un nom. En fait, à ce sujet les avis étaient partagés, certains penchaient pour un aigle, d'autre pour un faucon, voire un vautour. Etienne Dupuit était inquiet, pourvu que la police arrive rapidement, se dit-il, heureusement qu'il n'y a pas de clientèle. Pour compléter le tout, le singe qui était resté devant la porte, ferma cette dernière à l'aide du verrou qui se trouvait dessus. "Si le chat pouvait bouffer l'aigle", se dit Dupuit, qui semblait totalement dépassé par les événements. Il ne pensait pratiquement plus, se contentant de subir comme tout le monde. Le chat troubla le lourd silence du bureau en se mettant à ronronner comme un moteur de bateau. Les employés paraissaient un peu rassurés face à ce gros matou. L'agent de maîtrise regagna son bureau, où il attendit avec impatience la venue de la police. Etienne Dupuit regardait tour à tour les trois animaux, quand soudainement le chat bondit sur une caissière et lui lacéra le visage de ses griffes. La pauvre poussa un si terrible cri, que tout le monde en fut glacé d'effroi. Le chat ne s'arrêta pas pour autant, il devint comme fou, sautant partout, c'est à dire sur le personnel des guichets ; si bien que ces derniers se voyaient contraints de reculer dans le fond du bureau, pour ne pas être victimes des coups de griffes. Quand il n'y eut plus personne derrière les guichets, le chat s'assit à coté d'une caisse et attendit.
Avec une parfaite synchronisation, l'aigle prit son envol pour rapidement atteindre les caisses et s'emparer de tous les billets qu'il avait la possibilité de prendre dans ses serres et son bec. Quand il fut chargé à craquer, ou plutôt à tomber, il s'envola de nouveau, mais cette fois en direction de la sortie que le singe surveillait. Le chat suivit rapidement le petit groupe, si bien qu'en une fraction de seconde les trois animaux furent à l'extérieur de la poste.
Etienne Dupuit courut jusqu'à la sortie, poussé par une curiosité malsaine qui l'étonna lui-même. Ce qu'il aperçut dehors fut encore plus spectaculaire que ce qu'il avait vu à l'intérieur du bureau : un kangourou survint, se dirigeant vers les trois animaux voleurs qui restaient en attente. Dès que le marsupial fut sur place, le singe ramassa le paquet de billets de banque, que l'aigle venait de déposer par terre, pour les entasser dans la poche du kangourou. L'agent de maîtrise qui regardait sans bouger put voir la fin de cette espèce de hold-up en spectateur privilégié.
Les quatre animaux étaient maintenant rangés en ligne, et paraissaient attendre quelque chose ou quelqu'un, "une voiture", pensa Etienne Dupuit.
En fait, ce ne fut pas une voiture qui se présenta mais un cheval.
Le chat puis le singe et en dernier le kangourou, sautèrent sur le dos de l'équidé.

Dupuit, fasciné, continuait de regarder quelque chose qu'aucun être humain avant lui, n'avait sans doute jamais vu. L'ensemble de l'opération avait duré au maximum quatre minutes, un vol parfait en quelque sorte. Le chat qui alors se trouvait en tête sur le dos du cheval, miaula longuement, comme pour demander quelque chose. Le cheval partit immédiatement au galop, emportant les trois animaux sur son dos, l'aigle volant au dessus d'eux. Le quatuor disparut rapidement dans la campagne.


Chapitre second
La femme

Bertrand Faucheux rentrait tranquille¬ment à sa ferme, le long de la RN4, juste après Lunéville, en direction de Sarrebourg. Sa ferme se trouvait à six cents mètres de la ville. En cette période hivernale il faisait très froid. La redoutable route nationale, à quatre voies verglacée, pouvait charrier d'un moment à l'autre un véhicule rendu fou par le verglas, qui culbuterait les promeneurs comme des quilles. Les accidents semblaient devoir ne jamais cesser sur cette route. Faucheux en avait vu des centaines, plusieurs par jour, surtout en hiver. Bertrand Faucheux pensait à une bonne soupe chaude aussitôt rentré chez lui, quand il vit le halo d'un phare à moitié perdu dans le brouillard. Ce devait être une voiture qui se promenait avec un phare cassé, pensa-t-il, cependant au fur et à mesure que cette sorte d'oeil jaune se rapprochait, le bruit du moteur ne paraissait pas être celui d'une voiture mais d'une moto. "Une moto", se dit Faucheux, "à cette époque et avec ce verglas, complètement fou ce type, de plus il roule comme un dingue, sûr qu'il va rater le tournant". Maintenant le paysan attendait la sortie de la moto dans le virage, avec une sorte de crainte mêlée de plaisir. Enfin la moto surgit à la sortie du tournant. Elle arriva à une vitesse affolante, et comme prévu elle se coucha sur la chaussée, avant de quitter cette dernière pour aller s'écraser dans les arbres bordant le fossé. Le motard quant à lui suivait sa moto. Puis plus rien, ce fut le grand silence. Bertrand Faucheux se mit à courir en direction de l'accident, il en perdit un sabot qu'il fut obligé de remettre à son pied, avant de continuer sa course. "Il est mort, complètement mort, en bouillie", se disait Faucheux, tout en courant. Enfin il arriva sur place, ce n'était pas beau à voir : Faucheux aperçut en premier la moto, car c'était elle la plus grosse, elle ressemblait à un tas de ferraille embouti par une presse. Quant au motard, il ne le découvrit pas tout de suite, ce n'est qu'au bout d'un certain temps qu'il aperçut un corps qui bougeait. Dans sa combinaison rouge, casqué de rouge, le motard rampait péniblement vers la route.
— Vous êtes fou, dit Faucheux, ne bougez pas voyons. Vous êtes sûrement gravement blessé, il vous faudrait un bon verre de gnolle.
— Non, laissez, ce n'est rien, dit le motard.
Ce n'était pas un motard, mais une motarde, car vraisemblablement, la voix provenait d'une bouche féminine.
— Vous avez de la chance, vous savez, j'aurais parié que vous étiez mort, heu... pardon, morte.
— Vous n'avez pas vu un chat ? Demanda-t-elle.
— Non, répondit Faucheux, qui avait été pris au dépourvu par le contenu de la question.
Un automobiliste arriva et se dirigea vers eux. Quand elle vit le conducteur, elle parut gênée et dit qu'elle devait s'en aller. Joignant le geste à la parole, elle commença par marcher puis par courir en direction de la campagne, pour enfin se perdre dans le brouillard.
— Pourquoi est-ce qu'elle s'en va, demanda l'automobiliste qui venait d'arriver à coté de Faucheux.
— Je ne sais pas, en tout cas, elle a eu une sacrée chance, répondit le paysan.
— Je vais aller prévenir la gendarmerie, dit l'automobiliste, pouvez-vous me laisser votre adresse, en cas de témoignage.
— Ils me connaissent, répondit Faucheux. Dites leur que c'est le vieux Faucheux.
— C'est entendu, j'y vais, au revoir.
— Adieu, répondit Faucheux tout en reprenant son chemin. Vraiment se dit-il, elle a eu de la chance, elle aurait dû être complètement morte.
                     
               * * *
     
C'est dingue, c'est complètement dingue, ne cessait de répéter Magouillard à haute voix.
— C'est pourtant vrai, je vous promets que c'est bien ce que j'ai vu, répondit Etienne Dupuit.
L'inspecteur Magouillard qui était chargé de l'enquête concernant le hold-up de la poste, venait d'interroger le principal témoin pendant quatre heures. Tout se recoupait, absolument tout, entre le témoignage de Dupuit et les autres employés de la poste. Il fallait se rendre à l'évidence, cette attaque avait eu lieu et avait été effectuée par des animaux, sans aucun commandement humain, direct tout du moins. Le commissariat de police de Lunéville n'était pas habitué à ce genre d'histoire, qui paraissait taillée pour l'anti-gang. Qu'allait dire le juge d'instruction de Nancy, quand Magouillard lui remettrait son rapport ? On ne pourrait même pas faire de reconstitution.
— Excusez moi inspecteur, dit un gardien qui venait d'entrer, mais il y a un journaliste qui vous demande.
— Qui est-ce ?
— C'est Bob Flairetout, de la cane déchaînée.
— OK, dites-lui d'attendre cinq minutes, j'en termine avec cette audition.
— Bien m'sieur l'inspecteur, dit le gardien en s'effaçant.
— Bon, Dupuit, vous pouvez rentrer, si j'ai encore besoin de vous voir, je vous ferai convoquer.
— Au revoir Monsieur l'inspecteur, dit Etienne Dupuit, en tendant la main.
— Au revoir, et pas un mot sur cette histoire, compris, et dites-moi, pendant que vous serez dans le couloir, dites à Bob Flairetout, le journaliste... vous savez, qu'il peut entrer, merci.
Quelques instants plus tard le journaliste entra dans le bureau de l'inspecteur.
— Ha, monsieur l'inspecteur, cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus.
— Ca va, ça va, qu'est-ce qui vous amène ?
— Ho rien de bien important, juste ce petit hold-up d'hier, vous savez bien, je crois d'ailleurs que c'est vous qui êtes chargé de l'enquête ?
— En effet, mais je crois que cette fois nous allons faire chou blanc. Pensez-vous, un gang d'animaux !
— Oh, Monsieur l'inspecteur, vous ne savez pas combien cette phrase est révélatrice. Regardez justement la dernière édition de mon journal, dit-il, j'y ai appelé le hold-up : "Le gang des animaux", qu'en dites vous ?
— Ce que j'en dis, c'est que comme d'habitude vous êtes un éternel fouteur de merde.
— Vous vous égarez monsieur l'inspecteur, je fais mon travail.
— Ok, Ok, excusez-moi, mais je suis un peu énervé avec tous ces animaux.
En ce qui me concerne, dit Bob Flairetout, j'ai enquêté auprès des centres équestres, des zoos et des cirques qui se trouvent dans la région, sans aucun résultat.
— Mon pauvre vieux, répondit Magouillard, s'il ne se passe rien d'autre d'ici là, nous serons obligés de clore l'enquête, car il n'y a absolument aucun indice qui nous permette quoi que ce soit.
Bob Flairetout, sortit son paquet de gitanes sans filtre et en tendit une à l'inspecteur Magouillard, qui accepta volontiers. Les deux hommes continuèrent encore à discuter un certain temps avant de se séparer, sans toutefois parvenir à un résultat concluant, concernant les événements de la veille. Le plus grand journaliste de France   : "Bob Flairetout", avec sa gueule de play-boy à la Delon, montée sur une carrure d'athlète, allait devoir encore se débrouiller tout seul.
— A la revoyure inspecteur, dit Bob Flairetout, en prenant congé du flic, je ne vous dis quand même pas à bientôt, sachant combien vous m'aimez.
— En effet mon p'tit Bob, moins je vous vois et mieux je me porte, cependant si vous avez des nouvelles, ne m'oubliez pas.
*****************


TEST

Aventure et espionnage (288 pages)

Quatrième couverture

Quand on annonce la mort d'un personnage célèbre, savez-vous où il va vivre en réalité ? Qui le fait disparaître ? Aimeriez-vous savoir ce que feront vos proches après votre mort ? Mais... en étant encore vivant, évidemment ? Si vous ne savez pas tout ça, et bien, isez "Test", les services de cette société sont exclusifs, il suffit d'avoir les moyens...

*

Première partie
Les services.

Chapitre I :
La prospection.
          
Le quartier de la Défense. Les RER qui charrient un flot de trois mille voyageurs par train. Au-dessus, c'est la salle des pas perdus, aussi longue qu'une cathédrale, et tapissée de dizaines de boutiques. Les gens y déambulent en silence, se croisent sans jamais se voir, ni même se frôler. Nous sommes à hauteur de rue. Dehors les bus patientent, sagement rangés, attendant leur clientèle. On se croirait encore dans le tunnel, tout est couvert, comme pour retenir un peu la chaleur des profondeurs. Une odeur de combustible flotte dans l'air. Sur les chaussées éclairées par des milliers de néons, les voitures passent rapidement, tous feux allumés.
Et puis là-haut, c'est le premier étage, le fameux parvis. De grandes tours portent les noms des plus prestigieuses sociétés. Au Sud on aperçoit Paris, les rues environnantes, les innombrables voitures. Et un peu avant, la Seine s'étire langoureusement, enjambée par une multitude de ponts.
Presque tous les chemins mènent à la Défense, comme à Rome jadis. Il y a le train, le métro, le RER, et les routes qui se croisent et s'enchevêtrent à l'infini. Tous ces moyens de transport amènent une foule gigantesque dans la "cité des affaires". Un rêve de Pompidou, complété par un autre de Mitterrand. Une ville monstrueuse et impersonnelle. Un vent glacé souffle, qu'aucun obstacle ne parvient à arrêter. Les tours espacées montent à l'assaut du ciel, paraissant lancer un défi au créateur. Les nuages donnent l'impression de caresser le sommet des gratte-ciel. Toutes les grandes villes ont leur cité des affaires, question de prestige. Il y a Londres la brumeuse, avec la City, il y a New-York la bruyante, avec Manhattan, et puis il y a Paris, avec la Défense. Au Nord, un pont qui ne mène nulle part, enjambe le périphérique, il s'agit de "la grande arche", érigée comme une pyramide, sous le règne de Mitterrand. Les dalles du sol commencent à se décoller, elles n'ont pas résisté aux quatre lustres d'existence. Les immeubles aussi témoignent d'une usure précoce, comme si les bâtisseurs ne connaissaient plus le secret de ce qui dure. Comme si les architectes avaient oublié ce qui est joli et solide. Quelques immeubles d'habitation viennent s'incruster parmi les buildings des entreprises. Mais ici, c'est le règne du piéton, aucune voiture ne peut franchir les accès au parvis. Un monde à part.

     François Dupont regarde sa montre, il est dix heures, dix heures juste. C'est l'heure de son rendez-vous. Il pénètre dans l'une des gigantesques tours, qui caractérisent le quartier de la Défense. Dans le hall d'entrée, une plaque porte le nom de la société : "International Corporation Pétroléum". L'I.C.P est le leader mondial de la distribution de produits pétroliers, l'un des cinq groupes les plus riches de la planète. François doit rencontrer le directeur, c'est le responsable pour toute l'Europe. Il est introduit quelques instants plus tard dans un immense bureau. Il n'y a personne, on le prie de patienter. La pièce de travail fait bien cent mètres carrés, les murs sont recouverts de boiseries foncées. Le plafond est orné de dorures, et possède en son centre un énorme lustre en cristal, qui impose sa carrure massive. Derrière le bureau, au-dessus du fauteuil en cuir noir, trois tableaux à l'huile parent le mur. A gauche il y a une carte du monde, au centre un homme représenté dans une position martiale, et à droite, la reproduction du sigle de l'international corporation Pétroléum. Demeuré debout, François Dupont se déplace lentement, comme pour ne pas rayer le sol. Ses souliers crissent sur le plancher à la française. Une baie vitrée occupe un pan de mur, ce qui offre du trentième étage une vue imprenable sur la capitale, tout en apportant une grande luminosité. Au loin, on distingue les monuments de Paris, tout du moins les plus grands, la Tour Eiffel, Notre-Dame.
Une porte s'ouvre, François sursaute légèrement. Un homme de grande taille en costume gris apparaît, pénétrant dans le bureau avec l'air décidé des gens qui ont l'habitude de commander, il lance :
— Asseyez-vous.
— Bonjour Monsieur, dit Dupont, vous êtes bien John Holding ?
— Tout à fait. Je présume que vous êtes François Dupont ?
François a un signe de tête affirmatif, tout en regardant alternativement son interlocuteur et le portrait mural, non, ce n'est pas la même personne.
Le directeur reprend :
— Vous voudrez bien m'excuser, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Je dois toutefois dire que votre appel téléphonique m'a intrigué. Vous devinez sans doute, que vous avez eu de la chance de m'obtenir directement au téléphone. Le bénéfice d'un heureux concours de circonstances. C'est pour vous de bon augure. D'ailleurs j'ai appris dans votre histoire de France, que Napoléon choisissait ses généraux en fonction de leur "capital chance". Moi aussi j'aime ceux qui ont de la chance. Je vous écoute donc.
Le directeur pour l'Europe pose ses deux mains sur son sous-main de cuir bordeaux, il croise ses doigts, et plante son regard gris acier dans celui de son interlocuteur. Il a l'apparence de l'américain type, rasé de près, la quarantaine bien tassée, bronzé à point, des cheveux gris coiffés irréprochablement.
— Il y a de cela huit ans, j'ai fondé ma société, je l'ai appelé "Test". Mon objectif était double. Tout d'abord, de Tester certaines personnes, suivant la demande de mes clients. Vous comprenez donc pourquoi j'ai donné le nom de "Test" à mon entreprise. En effet, qui d'entre nous ne s'est pas un jour demandé si son épouse était réellement fidèle. Ou encore, si tel ou tel ami n'était pas plus intéressé que désintéressé. Qui n'aimerait pas connaître le comportement de ses proches après sa propre mort. Questions, vous l'avouerez, qui ne peuvent donner lieu à réponse, mais dont tout le monde voudrait percer le secret. Eh bien Monsieur le directeur, depuis que j'ai créé ma société, tout ceci est désormais possible !
— Comment cela, demande le directeur, qui parait absorbé par le récit ?
— Comment, c'est très simple Monsieur, commente le chef d'entreprise, en faisant les questions et les réponses. Par exemple, vous désirez savoir quel sera le comportement de vos proches après votre mort. Ma société est en mesure de vous faire disparaître. Vous avouerez d'ailleurs que c'est une condition préalable à l'expérience. François Dupont ne diffuse ses informations qu'avec parcimonie, dans le but d'aiguiser l'attention de son interlocuteur, il est passé maître en la matière.
— Moi aussi je suis capable de m'éclipser Monsieur Dupont, je vous rappelle que je n'ai que peu de temps à vous consacrer.
— Non, non, vous n'y êtes pas. Je suis certes en mesure de vous faire disparaître, de telle façon que vos proches vous croient mort ; mais aussi de noter le comportement de votre entourage après votre disparition, ceci à l'aide de films, de bandes magnétiques et d'écrits.
— Arrêtez de faire le mystérieux, allez au fait, s'il vous plaît, Monsieur Dupont.
Dupont sait, qu'il ne faut plus qu'il continue dans cette voie. Aiguiser la curiosité est en soi positif, mais après la curiosité succède l'agacement.
— Une fois que je serai informé du comportement de vos proches, je vous ferai réapparaître Monsieur Holding.
— Me faire réapparaître ! Il dit "Wéapawète" ; parfois son accent en général bien maîtrisé, reprend le dessus.
— Parfaitement. Ma société s'adresse aux grands de ce monde, car nos honoraires sont relativement copieux, dirons-nous. Mais avec cet argent, nous avons les moyens de faire passer une personne pour morte, alors qu'elle se porte comme un charme. Ensuite nous rédigerons la liste de vos proches, que nous jugerons indésirables, tout en y joignant les preuves. Il ne nous restera plus après, qu'à vous "ressusciter" à la vue de tout le monde. Je tiens d'ailleurs à vous dire que nous avons acquis une certaine expérience en ce domaine, et que la totalité de notre clientèle est satisfaite.
Le directeur lève les yeux vers le plafond, son regard semble perdu dans les brumes de la réflexion.
— A bien y penser, elle n'est pas bête du tout votre idée, Monsieur Dupont ; elle est même géniale, vous êtes un génie Monsieur Dupont, un génie ! C'est vrai que j'aimerais savoir si ma femme m'est fidèle, bien qu'en ce domaine il existe des détectives. Je crois surtout que vos services s'apprécient en ce qui concerne l'attitude des autres après son propre décès ; je pense fermement que c'est là votre trait de génie.
— Je vous remercie Monsieur le directeur, mais permettez-moi de vous interrompre. Car je pense que nous sommes bien plus performants que les détectives. En effet, un détective se contente de vous informer du comportement de votre épouse. Moi Monsieur, je suis en mesure de vous dire, certes si votre femme vous trompe, mais encore, si elle vous trompera un jour. Avouez que je suis quand même meilleur qu'un "privé". Je m'explique, mes services en ce domaine sont basés sur la provocation. Nous provoquerons votre épouse, pour que dans l'hypothèse où elle possède la moindre faiblesse, elle ne puisse pas la dissimuler. Seules les femmes à toute épreuve nous résistent, soyez-en sûr. Lorsque nous certifions une femme fidèle, elle le restera pendant de longues années. D'ailleurs, nous recommandons un dépistage tous les cinq ans, ou à chaque changement notoire de comportement, ajoute-t-il en souriant. Bien entendu, ceci concerne également les hommes.
— Je vois, c'est en quelque sorte l'assurance ultime de la fidélité.
Le directeur dévisage François Dupont. Il regarde le vieil homme avec sa figure ridée, qui témoigne d'un large dépassement de la soixantaine. Derrière ses lunettes rondes cerclées de métal argenté, transparaissent deux petits yeux bleus, dans lesquels se lit une vive intelligence. Les rares cheveux gris qui lui restent, laissent apparaître une tâche brune, sur le côté droit de son crâne en forme d'oeuf. Un gilet noir d'où sort la chaîne d'une montre à gousset, est partagé par une cravate bordeaux ; le costume de couleur identique, semble trop grand pour son homme.
Le directeur reste songeur, comme absorbé par l'incongruité des paroles qu'il vient d'entendre.
— Je tiens à vous présenter maintenant notre seconde activité. Il s'agit de la disparition. Vous n'êtes pas sans ignorer que les grands de ce monde sont parfois en quête d'une retraite méritée. Mais hélas, souvent ils ne peuvent y goûter, étant comme éternellement poursuivis par leur notable succès. Eh bien, notre société propose aussi un service qui réponde à cette demande. Il comprend entre autre, un changement d'identité, d'apparence physique et de nationalité. Mais je ne pense pas que ceci puisse vous intéresser.
Je passe donc immédiatement à la troisième activité. Elle s'appelle "contact". C'est un service, disons… matrimonial, qui contrairement aux deux précédents, n'est pas garanti à cent pour cent. Nos résultats sont seulement de soixante-sept pour cent, mais il faut bien avouer que cette performance n'est déjà pas négligeable. A titre d'exemple, supposons que vous désiriez une belle femme. Oui, une femme, que vous auriez soudainement aperçue dans la rue. Un coup de foudre, comme on dit... si vous vous adressez à nous, nous pourrons peut-être vous mettre en rapport avec elle. Toutefois, cela ne vous interdit pas au préalable, de tenter vous-même votre chance.
Voici à présent quel est notre quatrième et dernier service. Il s'appelle "mort digne". Il consiste à assister nos clients, pour qu'ils bénéficient en cas de maladie physiquement dégradante, d'une mort provoquée sans douleur, de manière à mettre fin à leurs souffrances. Mais je vous souhaite en toute sincérité, de ne jamais avoir recours à ce service.
Dupont se tait.
— Je n'en reviens pas Monsieur Dupont, dit le directeur avec son léger accent américain, qui prononce des "W" à la place des "R".
Mais dites-moi, qui me prouve que vos allégations sont exactes ? Vous avouerez que c'est peut-être une question naïve, mais elle vaut sans doute la peine d'être évoquée ?
— Sachez cher Monsieur, que j'ai l'habitude d'entendre ce genre de question, bien légitime au demeurant. Tenez, voici une liste confidentielle de nos anciens clients, qui nous ont honorés en faisant appel à nos services. Cette liste doit bien sûr demeurer secrète et être détruite après utilisation, cela va de soi. Je suis persuadé que certains noms vous sont familiers. J'insiste pour que vous les contactiez, afin de vérifier nos informations. Nos anciens clients sont notre meilleure publicité.
Le directeur regarde la liste d'un air soupçonneux. Soudain son visage s'illumine, il tombe sur un nom qu'il connaît.
— Quels sont vos tarifs, demande le directeur, qui n'hésite pas à parler affaires ?
— Je pourrais vous répondre, comme certains vendeurs de luxueux bateaux, que lorsqu'on a les moyens, on ne demande pas le prix ! Mais ce serait insolent. Je dois néanmoins vous prévenir, que nos tarifs sont élevés, mais nos services sont uniques au monde. Et comme vous le savez, en économie, ce qui est rare est cher. Je tiens à préciser, que seules les personnes qui ont un revenu minimum d'un million de Francs par an, sont prospectées.
— Vos prix, Monsieur Dupont, vos prix ? Ne faites pas durer le suspens !
— Deux millions de Francs lourds pour les décès, un million pour chacun des trois autres services.
— My God ! S'exclame le directeur après un sifflement. Presque un quart de million de dollars, vous n'y allez pas de main morte.
— Exact Monsieur le directeur, exact, réplique François Dupont de sa voix chevrotante. Ses yeux bleus dévisagent à présent le directeur.
— Je veux vérifier, vous permettez. Je vous remercie de bien vouloir patienter.
— Attendez Monsieur, il y a un code, et si vous ne le communiquez pas à vos interlocuteurs, ils ne vous diront rien. Ce code change tous les mois. Actuellement c'est "J7K".
— Ok, je vais téléphoner dans le bureau de ma secrétaire, à tout à l'heure.
François Dupont sait que le directeur sera sans doute intéressé, après voir vérifié s'entend. Il a lu la réponse dans ses yeux, question d'habitude. Pendant leur discussion, personne ne les a interrompus, pas même le téléphone. François apprécie le savoir-vivre de son interlocuteur, qui a dû détourner vers sa secrétaire tous les dérangements potentiels.
L'attente dure un peu plus d'un quart d'heure, au bout duquel le directeur réapparaît enfin, le visage fermé, énigmatique. Il reste debout et pose ses deux poings serrés sur son sous-main. Puis il se met bien droit, et prend une inspiration pour dire d'un air grave :
— Monsieur Dupont, je veux mourir ce soir !
Un lourd silence s'instaure, comme pour mieux souligner le caractère stupéfiant de la demande.
— Attendez Monsieur le directeur, ce soir c'est impossible. Vous comprenez bien qu'il est nécessaire d'effectuer certains préparatifs, dont je vais vous entretenir si vous le permettez.
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LE SERPENT

Aventure et histoire vécue partiellement. (368 pages)

Quatrième couverture

Une existence comme tant d'autres, un homme ordinaire qui frappé par le malheur et les persécutions du fisc, va connaître un destin extraordinaire, celui des héros et des chevaliers. Harcelé, banni, il va errer et combattre, subissant tout ce qu'un homme peut subir, pour retrouver son honneur perdu, cet honneur que seul le serpent est en mesure de lui restituer… Alors seulement il pourra entonner le chant de ceux qui ont fait ce qu'il fallait : "Non, rien de rien, non je ne regrette rien"...

*

Partie    I
Le temps d'un chat.

Chapitre   I
La missive.     

Parfois tout commence par des banalités, des choses ordinaires qui par le hasard deviennent extraordinaires :
Le petit bureau de trois mètres sur quatre se trouve au fond de l'appartement. Des dalles de lino gris en recou¬vrent le sol, et un papier peint aux motifs vert et jaune tapisse les murs. Violette est assise devant la longue planche de contre-plaqué qui sert de table de travail, elle ouvre le courrier à l'aide d'un couteau de cuisine. Les deux autres sièges, dont l'un est un grand fauteuil en cuir noir, sont inoccupés. La lumière du jour qui filtre à travers la fenêtre, se reflète dans les trois écrans des ordi¬nateurs. Deux cadres sont accrochés au-dessus de l'appareillage informatique. Le premier repré¬sente la terre, et le second est un diplôme de docteur en informa¬tique.
Quelques minutes plus tard, Louis entre à son tour.
— Bonjour Violette, lance-t-il avec un sourire, est-ce qu'il y a quelque chose d'intéressant ?
— Pas grand-chose à part des factures.
— Ce n'est pas intéressant les factures.
— Ça dépend pour qui !
— Evidemment.
— Ah si, tiens ! Voilà une réponse à ton annonce, ça concerne les cours d'informatique.
La jeune femme a vingt-huit ans. Un joli morceau de fille, deux belles cuisses musclées, toujours mises en valeur par des pantalons moulants et des bottes noires. Avec son mètre soixante-dix, elle n'ose chausser des talons hauts, par peur de concurrencer les girafes. Un pull-over rose finit de l'habiller, laissant deviner une paire de petits seins. Des cheveux châtains mi-longs, encadrent son beau visage à la peau mate et au teint halé, que lui ont légué ses parents manouches. Ses yeux noisette fixent maintenant son patron. Elle tend la lettre.
— Tu veux du café, demande-t-elle ?
— Bien sûr.
Louis entreprend de lire le courrier, non sans jeter un regard d'émerveillement sur les fesses de sa secré¬taire, vraiment une belle bête.
Une femme désirerait apprendre le maniement de quelques logiciels, un traitement de texte et un tableur. C'est une réponse à l'annonce que Louis a passé dans le journal du 95. Prenant son stylo plume, il note en marge du courrier "Confirmer que nous dispensons les cours demandés, et indiquer le tarif". Le panier marqué "à faire", hérite de la lettre annotée.
Louis va sur ses trente-cinq printemps, doté d'un diplôme de Docteur en informatique ; dès son obtention il a créé sa société d'ingénierie en informa¬tique LS-CHIPS (pour Louis Seize puces informatique).
Le chat Moustache saute sur le bureau, c'est un grand matou européen marbré. Louis le caresse avec appli¬cation, ce qui finit par provoquer le ronronnement de l'animal. La bête poursuit sa visite vers Violette. Le patron de LS-CHIPS met en marche l'installation composée de trois postes. Ses yeux marron pailleté fixent un écran qui ne va pas tarder à s'animer. Le reflet de sa figure se superpose à celui de la fenêtre. Le verre encore inexpressif laisse deviner un visage aux cheveux bruns et courts, dont l'embonpoint gagne du terrain. Des oreilles légèrement décollées lui élargis¬sent la tête, montée sur un cou trapu. De larges sour¬cils surmontent les yeux soulignés de petites poches matinales.
— Tu viens boire ton café ? Demande la belle Violette.
Louis la rejoint, de son mètre soixante-douze, il dépasse la jeune femme de deux centimètres seulement.
— Après, tu essayes de trouver d'autres clients par téléphone.
— Pourquoi, tu n'as plus de commandes ?
— Hé non !
— Ne t'inquiète pas, je vais bien en trouver un. En tout cas, tu es trop scrupuleux. J'en connais-moi, qui font exprès des bugs, pour faire du chiffre en service après vente.
— Tu sais bien que je n'aime pas ça, ce n'est pas correct, j'aurais l'impression d'être un escroc, de profiter de mes clients qui n'y connaissent rien.
Edith, l'épouse de Louis, fait son apparition en peignoir.
— Ça va, lance-t-elle ?
— Bien dormi Ed, interroge Louis ?
La jeune femme a la trentaine. Les yeux pleins de sommeil, elle dépose un baiser sur les lèvres de son mari, puis fait une bise à Violette.
— Bon, je vais me préparer, il faut que j'emmène les petites à l'école.
La jeune femme aux cheveux blonds coupés à la Jeanne d'Arc, repart dans le fond de l'appartement, vers la chambre des filles.
Le logement des époux Seize, fait à peu près quatre-vingts mètres carrés. Il se compose d'une salle à manger, qui sert de salle d'attente aux clients ; d'un bureau et de deux chambres ; l'une pour le couple, la seconde appartient à leurs deux filles. Une cuisine, ainsi qu'un débarras qui fait office de magasin à fournitures, et une salle de bains avec cabinet de toilette complètent la panoplie.
— Je n'ai pas perdu mon temps, s'exclame Violette, j'ai trouvé une société qui aurait peut-être besoin de nos services, c'est un hôtel. Comme il n'y avait rien sur ton carnet, j'ai pris rendez-vous cette après midi, pour quatorze heures.
— Je dois y aller ?
— Non, ils vont venir.
— Qu'est-ce que je ferais sans toi, merci tu es formi¬dable !
Louis a connu Violette, en réponse à une annonce passée afin de trouver une secrétaire. Dire qu'elle manquait de qualifications serait un euphémisme. La postulante faisait de nombreuses fautes d'orthographe, s'exprimait très mal, et n'y connaissait rien à rien. Pourtant, vu la mine patibulaire de sa société, le jeune patron ne voulait pas embaucher une de ces demoi¬selles fardées, en talons aiguilles et minijupe, pour la voir démis¬sionner dès qu'elle aurait trouvé mieux. En outre, Vio avait peu de prétentions, et dotée d'une vive intel¬li¬gence, elle ne demandait qu'à apprendre. D'au¬tant, qu'avec son niveau d'instruction, les seules places auxquelles elle pouvait prétendre, étaient des emplois non qualifiés. Alors un poste de secrétaire c'était inespéré, une sorte de promo¬tion inopinée. Le pari de Louis fut payant, en deux ans, le vocabulaire et l'orthographe de Violette s'enrichirent. Elle maniait parfaitement les logiciels et connaissait tout de la société ; prenant fréquemment des initia¬tives qui s'avéraient payantes. Violette possédait aussi son permis voiture, ce qui était parfois bien utile. En plus, seule avec sa paire de garçons (François huit ans, et Luc six ans), elle avait bien besoin d'un salaire régulier et à plein temps.
Edith rentre vers neuf heures trente, après avoir accom¬pagné à pied leurs petites filles (Hélène quatre ans et Isabelle treize ans). Son mari la rejoint dans la cuisine.
— Ed, tout à l'heure j'ai un client qui vient, est-ce que tu peux faire un brin de ménage... s'il te plaît.
— Je ne suis pas ta bonne, et j'en ai marre de voir tout ce monde défiler chez moi !
— Chut, Violette pourrait entendre.
— Je m'en fiche de Violette, si elle te plaît, tu n'as qu'a rester avec !
— Sois raisonnable, tu ne travailles pas, ça devrait te laisser le temps d'avoir une maison propre.
— Parce que c'est sale ?
— Non, c'est bordélique. Déjà que tu ne m'aides jamais, ce qui m'aurait permis de faire l'économie d'une secrétaire, en plus, je dois te demander sans arrêt de tenir cet appartement correctement.
— Fous le camp, je vais le faire ton ménage ; allez, rejoins ta secrétaire !
Louis regagne son bureau, l'air soucieux. Violette comprend que quelque chose ne va pas, elle met une main sur l'épaule de son patron.
— Si tu as besoin de moi...
— Je sais, merci Vio.
Le reste de la matinée se passe dans le bureau. Vers midi, le patron de LS-CHIPS va voir son client gara¬giste, afin de lui remettre son logiciel. Pendant ce temps, Vio fait à manger pour eux deux, car Edith ne veut pas déjeuner.
A treize heures, Violette et Louis déjeunent enfin. Le patron a ramené une lettre de change de trente mille Francs. Mais l'effet de commerce sera honoré seulement dans trois mois. En attendant, la banque l'escomp¬tera. Tant pis pour les intérêts perdus, au moins une partie de la somme sera immé¬diatement disponible.
Vio débarrasse et fait la vaisselle, alors que Louis boit son café.
— Tiens, c'est toi qu'il faudrait que j'épouse. Ah si Ed était ton alter ego !

     En cette fin de mois, un trente et un mai exac¬tement, le client potentiel sonne vers quatorze heures. C'est Vio qui ouvre avec son sourire charmeur. L'homme pénètre dans le couloir, violette le précède, fermant sur son passage, les portes du débarras, de la cuisine et des sanitaires.
— C'est un appartement ici. Vous n'avez pas de société ?
— Si, répond la jeune femme gênée, nous sommes installés dans un bureau, voulez-vous bien me suivre.
L'homme hésite un instant, contemplant le salon où se trouvent le billard français et le piano droit.
— Venez, monsieur Seize vous attend.
Encore une porte, celle du bureau. Mais en même temps, une autre porte s'ouvre, c'est Edith qui déam¬bule en peignoir dans l'appartement ; elle va jouer du piano, non sans avoir esquissé un sourire en forme de grimace.
Le chef d'entreprise se lève, il se dirige vers l'homme.
— Bonjour, je suis Monsieur Seize, si vous voulez bien vous asseoir.
Violette ferme les deux portes demeurées ouvertes, et regagne son siège.
— Monsieur Mhes, prononcez Ms, enchanté.
— Désirez-vous un digestif, un cigare, une cigarette ?
— Un digestif volontiers, un cognac, avez-vous ?
Vio se lève pour faire le service.
— Vous travaillez chez vous, demande l'homme ?
— Oui, les locations sont tellement onéreuses. Bien sûr j'ai conscience que c'est moins accueillant, mais tout aussi fonctionnel je vous assure.
Mhes reste dubitatif, et c'est le retour de Violette qui interrompt sa méditation.
— Vous fumez ?
— Non, mais je vous en prie.
Vio et Louis s'empressent d'allumer une cigarette. La scène devient irréelle ; malgré l'ouverture de la fenêtre, la fumée a envahi totalement la petite pièce, et on entend Edith qui joue du piano, sans compter le chat Moustache qui roupille sur le télé¬phone.
— Vous savez Monsieur Mhes, j'estime être un informa¬ticien tout à fait compétent. Regardez sur ce mur, j'ai un doctorat en informatique, ma thèse portait sur les protec¬tions et les virus.
Le visiteur y jette un coup d'oeil, ce qui le rassure.
Les deux hommes parlent en professionnels, chacun dans sa branche. Louis lui demande ce qu'il veut exac¬tement obtenir de l'informatique, quelle est l'étendue de son entreprise, combien lui coûte actuellement les postes comptables qu'il voudrait automatiser. Puis le jeune patron s'empare d'un bloc et de son stylo plume, il prend des notes, étale des chiffres. Au bout de presque une heure, Louis est en mesure de donner des réponses ; le prix de l'informatisation, la durée de mise en place et de création du programme, et aussi le bénéfice escompté dans le temps. L'homme semble inté¬ressé.
— Mais dites-moi, ne faudrait-il pas un ingénieur pour organiser et relier l'informatisation de mes cinq hôtels.
— Monsieur je suis plus qualifié qu'un ingénieur, j'ai un doctorat, ce qui est au-dessus.
— Ah bon !
C'est souvent ainsi, non seulement il faut trouver des clients, clef de réussite de toute société, mais encore, dans le cas de Louis, il doit les convaincre de son effica¬cité ; alors que s'il possédait un bureau dans une entreprise, le problème ne se poserait pas, un lourd handicap.
— Tenez, je vais vous faire fonctionner quelques-uns de mes développements, je vais par la même occasion vous montrer une liste de mes principaux clients.
Monsieur Mhes regarde défiler admiratif, les appli¬cations sur l'écran. Ses cheveux noirs et frisés sont caracté¬ristiques d'une origine méditerranéenne, peut-être pied-noir. Sa peau est mate, il doit avoir dans les cinquante ans, et un bon ventre s'étale avec grâce devant lui. La liste des clients lui fait autant plai¬sir, l'homme y identifie des confrères, dont il connaît personnellement certains. Ça le métamorphose, il va les contacter.
— Pouvez-vous me faire un devis ? Un devis gratuit bien sûr.
— Bien sûr. Je vous l'envoie dès demain, enfin, je veux dire dès lundi, car nous sommes vendredi.

     Lorsque le visiteur est parti, violette affiche une moue sceptique, tout en rédigeant le devis. Louis sort du bureau comme un diable, il s'engouffre dans la cuisine.
— Ed, viens voir ici !
— Quoi ?
— Viens ici je te dis !
Edith arrive avec nonchalance.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Tu me demandes ce que je veux, tu te moques de moi ! Pourquoi est-ce que tu te trimbales en peignoir devant les clients, et qu'en plus tu joues du piano durant mes rendez-vous ?
— Je me fous des gens que tu reçois, je te l'ai déjà dit. Je n'aime pas les ordinateurs tu comprends.
— Tu n'aimes pas grand-chose de toute façon. Tu ne fais rien, ok j'étais d'accord, mais ça n'implique pas l'oisi¬veté. Tu sais que j'ai du mal à faire fonc¬tionner cette entre¬prise, il y a trop de concurrence. Alors au lieu de me mettre des bâtons dans les roues, tu pour¬rais y mettre un peu du tien.
— J'en ai ras le bol tu entends, j'en ai par-dessus la tête de voir des gens entrer toute la journée ici. Et toi de te voir le nez collé sur ton écran jour et nuit, je n'existe pas ma parole ! Je ne suis plus chez moi. J'aurais mieux fait de ne pas me marier avec toi, et de continuer mon métier de coiffeuse.
— Et bien travaille si tu en as envie, ça ne fera de mal à personne, ni à toi ni à notre budget. D'ailleurs en parlant de budget, je te signale que je vais devoir prendre une partie de l'argent des vacances pour payer Violette.
Ed allume nerveusement une cigarette.
— Quoi, ta secrétaire, tu vas la payer avec nos vacances. Je te préviens, si tu fais ça, je retourne chez ma mère avec les filles. Allez, pars la retrouver ta secré¬taire. Elle est chez elle de toute façon, elle a même la clef de l'appartement.
— Tu sais pourquoi. Lorsque nous ne sommes pas là, il faut qu'elle puisse entrer pour travailler.
— Laisse tomber, ne me parle plus. D'abord je vais me coucher, réveille-moi à quatre heures et demie pour aller chercher les filles.
Lorsque Louis revient dans le bureau, Violette est outrée.
— Tu ne peux pas te laisser traiter comme un chien.
Le jeune homme voûte les épaules, dépité.
C'est la fin du mois, il va falloir payer toutes les factures, sans oublier Violette. Ah Violette, heureu¬sement qu'elle est là elle ! Louis a refait maintes fois le calcul, la jeune femme est rentable pour sa société. C'est elle qui trouve les clients, qui fait les livraisons et les achats. Sans elle, il n'aurait plus le temps de travailler, il devrait se consacrer à la recherche de clients. Et sans travail, pas de bénéfices.
L'expert comptable passera dans la soirée. Avant cela, lorsque Vio sera partie, Louis ira faire les courses avec Ed et les filles. Ils mangeront sur place. Puis pour finir, vers vingt et une heures, un élève viendra prendre un cours d'une heure de programmation, c'est un habitué.

     Les courses sont interminables et pénibles pour Louis. Mais Ed n'a pas de permis, alors il faut un chauffeur. Et les filles, ces deux petites filles brunes aux cheveux longs, Hélène et Isabelle, elles n'arrêtent pas de gesti¬culer. Louis les adore, deux morceaux de bonheur et d'innocence. Mais il lui semble qu'elles sont plus proches d'Edith. Ce qui peut paraître normal puisque c'est leur mère, et qu'elle est plus souvent en leur compagnie. Néanmoins, cette situa¬tion l'agace.
Le restaurant est le clou de la sortie, avec pour terminer, les fameuses coupes de crème glacée recou¬verte de Chan¬tilly et saupoudrée d'amandes grillées. Edith parle peu. Parfois elle appuie sa tête sur l'épaule de son mari, ou encore elle lui prend la main lorsqu'ils marchent, mais ce ne sont que des instants fugitifs, la réminiscence d'un passé révolu. Le reste du temps, Edith considère Louis comme invisible.
Au retour de la famille Seize, c'est au tour de l'expert comptable de venir, elle prend possession de la compta¬bilité, et fait signer les chèques. Le compte courant est toujours en dessous de zéro, octroyant à la banque d'éter¬nels intérêts de découvert.
Peu après, l'élève vient prendre son cours de langage C. Le jeune garçon qui se prénomme André, a dix-sept ans, et adore l'informatique. Louis lui demande soixante-quinze francs de l'heure. Un peu de beurre pour les épinards.

     Lorsque tout le monde est enfin parti, lorsque les filles dorment, non sans avoir fait un bisou à leur papa, Edith vient voir son mari qui travaille encore.
— Excuse-moi pour tout à l'heure, j'ai été odieuse, tu me pardonnes dis ?
— Mais oui, je ne te hais pas.
— Qu'est-ce que tu veux, je suis toujours sous pres¬sion. Douze ans que nous sommes mariés, et nous ne possédons rien : une poubelle en guise de voiture, un appartement en location, quelques meubles et c'est tout.
— Et les filles, et Moustache.
— Heureusement qu'elles sont là les filles.
— Qu'est-ce que tu veux, j'essaye de faire de mon mieux ; on a un toit et on mange à notre faim, on part même en vacances.
— Je sais, mais pourquoi est-ce que tu ne travailles pas en tant que salarié, on t'a déjà proposé le double de ce que tu gagnes actuellement.
— J'aime ma liberté, j'aime être avec toi et les enfants, on est tous ensemble heureux, c'est ma plus belle récom¬pense.
— Et moi, est-ce que tu te demandes si je suis heu¬reuse ? Est-ce que c'est un avenir pour ta famille, de vivre à crédit sans jamais rien avoir. Hein, tu t'es déjà posé la question ? Tu sais ce que tu es, un égoïste, un égocen¬trique, voilà ce que tu es. J'aime mieux aller me coucher, bonne nuit.
— Ne crie pas, tu vas réveiller les filles, et aussi les voisins.
— Je crie si je veux, je suis chez moi ici, et je t'em¬merde.
La paix règne enfin. Du premier étage où se trouve l'appar¬tement, quelques bruits de voisinage parvien¬nent parfois. Louis prend sa tête dans les mains et se souvient : Il se rappelle quand il a connu Edith, c'était dans le métro. Elle avait dix-huit ans, lui en avait vingt-trois. Elle était vierge et fidèle. Enfin, que des qualités. Elle vivait chez sa mère, Adrienne, qui était veuve ; son mari fut tué dans un hold-up, quelques années auparavant. Ed avait deux frères plus petits qu'elle. Depuis ils ont bien grandi d'ailleurs. Patrick, dit Pat, a dix-neuf ans, et Joseph, surnommé Joe, a vingt ans à présent. Louis était orphelin, c'est l'Assistance Publique qui lui payait une chambre dans un foyer, elle lui payait aussi ses études. Ils se mariè¬rent l'année de leur rencontre. Louis était déjà ingénieur. Trois ans plus tard, la petite Isabelle naissait l'année de son ingénierie, puis ce fut le doctorat. Après vinrent les obligations mili¬taires, comme Aspirant dans les paras. Le fort de Vincennes l'accueillit en tant que soutien de famille. A vingt-six ans, il créait LS-CHIPS, et devenait son propre patron. Ed n'avait travaillé que trois ans dans la coif¬fure, durant la fin des études de son mari et pendant son service. La jeune femme était ravie d'arrêter son travail, dorénavant elle pouvait se consacrer tota¬lement à son métier de maman. Tout allait si bien. Ensuite Violette fit son apparition. Spontanément le comportement de son épouse se modifia, une jalousie naturelle entre femmes. Puis peu à peu les réactions d'Edith devinrent imprévisibles. L'agressivité et l'oisi¬veté s'installèrent, la plongeant dans un état dépressif. Louis ne la reconnaissait plus, elle chan¬geait du tout au tout. Et même la maternité n'y faisait rien.
Des larmes coulent de ses yeux déjà rougis par la fatigue. Les larmes tombent sur le sous-main en cuir rouge. Il croyait avoir tout ce qu'il faut pour être heureux. Un métier qu'il aimait, mais sa société fonctionnait laborieu¬sement, il fallait se rendre à l'évi¬dence. Et ce n'était pas faute de travail, non, c'était surtout à cause de la concurrence effrénée. Il croyait avoir une femme pour la vie, qu'il perdait un peu plus chaque instant. Il pensait avoir deux petites filles, mais déjà elles ne lui apparte¬naient plus, accaparées par leur mère, qui n'hésiterait pas à les prendre en cas de séparation. En réalité, à trente-cinq ans il n'avait rien, plus rien. Ses larmes redoublent.
Alors une ombre silencieuse se glisse vers lui. Le chat Moustache le regarde droit dans les yeux, comme s'il comprenait sa détresse. Puis le félin lèche quelques larmes, se couche en boule entre ses bras et ronronne. Louis le caresse doucement, tendrement.
Soudain, sous la patte avant gauche, le jeune homme décèle une boule, il la palpe, elle possède la taille d'un oeuf de pigeon. Sa main se met à trembler, son estomac se noue. Un kyste, c'est ça c'est un kyste, ce n'est pas grave. Demain le vétérinaire se prononcera. Moustache le gentil, le chat Moustache, lui qui était venu dans leur couple, tout juste deux mois après qu'ils se soient connus, le chat était malade.
Louis prend Moustache et s'allonge auprès d'Edith, qui dort déjà. Le jeune homme serre fort son petit fauve contre lui. N'est-ce pas en définitive, l'être vivant qu'il aime le plus au monde ? Le sommeil le prend, les corps de l'homme et de l'animal sont côte à côte. La chaleur ronronnante de Moustache, berce le jeune homme comme une maman, une maman qu'il n'a jamais eue.

     A neuf heures sonnantes le lendemain, Louis porte Moustache chez l'homme de l'art. Après quelques palpa¬tions et grimaces assorties, le praticien émet les plus grandes réserves. Disant qu'il faut de toute façon enlever. Et qu'on verrait bien après analyse.
Le jeune patron rentre chez lui sans Moustache, l'estomac serré à l'extrême. A la maison l'affliction règne, les filles pleurent.
— Dis papa, il ne va pas mourir Moustache, je l'aime beaucoup tu sais.
— Moi aussi je l'aime beaucoup, et je vous adore toutes les deux. Viens sur mes genoux petite Hélène.
— Tu sais papa, je ne suis pas petite, j'aurai quatre ans et demi bientôt.
Vers onze heures, Louis accompagne les filles et Edith chez la mère de cette dernière, Adrienne. Mais il ne reste pas, afin de récupérer le matou.
L'attente chez le veto est des plus éprouvante. Huit autres personnes, donc huit animaux patientent : deux chiens, trois chats en boite, un hamster, une souris et un perroquet. Les chiens mirent suspicieux, en direc¬tion des chats. A travers les trous de leur boîte, les chats regardent avec amour le volatile et les rongeurs.
— J'ai pratiqué l'opération Monsieur, dit le vétéri¬naire.
— Alors ?
— Alors ce n'est pas un kyste mais une tumeur. Je l'ai remise à un laboratoire pour analyse. Nous saurons bientôt.
— Il va bien ?
— Oui.
— Vous aurez les résultats dans combien de temps ?
— Revenez après le week-end, dès lundi.
Moustache est encore à moitié endormi lorsqu'il retrouve sa maison.

     Louis retourne chez Adrienne pour récupérer sa famille.
L'ascenseur ne fonctionne pas, il monte onze étages à pied, des graffitis multicolores ornent la cage d'es¬calier.
— Alors l'intellectuel, l'apostrophe Joe, le plus âgé des frères d'Edith. Tu préfères ton greffier à ma petite soeur ; ton lapin on s'en fout, par contre notre soeu¬rette, tu ferais mieux de t'en occuper un peu plus, tu piges !
— Arrêtez les fistons, s'écrie leur mère, laissez un peu Louis tranquille. Bonjour mon Louis, dit la grosse femme en déposant des baisers baveux et alcoolisés, sur les joues de l'arrivant.
Adrienne c'est une espèce de boule, enveloppée dans une robe bariolée et large comme un suaire, qui marche en traînant les pieds et en se dandinant. La famille d'Edith habite dans une HLM, avec une accentuation sur le "M" de modéré. Le mobilier du F4 provient en partie des vols des garçons, et pour l'excédant, des poubelles du coin. Belle maman vit du RMI et de quelques allo¬cations. Deux bou¬teilles de gros rouge vidées en guise d'apéritif, souillent de taches rouges la nappe ronde de la salle à manger. Ed a bu aussi, ça tient de famille. Tant est qu'à part les filles, tout le monde est plus ou moins ivre ; plutôt plus que moins d'ailleurs.
— On t'attendait pour manger mon Louis, commente Adrienne, une casserole de purée à la main. La grosse femme au chignon noir, dépose avec hargne une louche cinglante dans chaque assiette en carton ; ce qui fait frémir son triple menton. La pitance rebondit sur la nappe en un joli moucheté. La purée mousseline est d'une chaleur relati¬vement fraîche. Elle est faite avec beaucoup d'eau, ce qui a le mérite d'éviter les grumeaux. A la place du beurre, on y devine des traces d'huile.
— C'est bon mon Louis ?
C'est infect !
— Délicieux belle maman.
— Tu en veux encore ?
— Heu, non merci je n'ai plus faim !
— Quoi, elle n'est pas bonne ma purée ?
— Si si, mais c'est à cause de Moustache, je suis inquiet.
— Tu nous embêtes avec ton lapin ! Allez un coup de gros rouge, pour faire passer la purée.
— Non merci Belle maman.
— Louis, dit Edith, fais plaisir à maman enfin, bois un verre, on dirait que tu n'aimes pas venir ici.
Le repas terminé, chacun va s'enfoncer dans les deux canapés avachis au plastique déchiqueté. Les paires d'yeux fixent passionnément la nappe qui témoigne des repas qu'elle a subis. Chez Adrienne, le jeune patron passe pour le héros de la famille, celui qui a réussi. Et Edith, pour celle qui a choisi le bon numéro. Les deux garçons discu¬tent sur le balcon, tout en crachant en bas sur les passants. Les deux filles jouent ensemble. Pat le Cadet part brusquement sur le palier, il revient au bout de quelques instants, un téléphone à la main.
— Ça y est, les voisins viennent de sortir, on peut téléphoner. C'est pratique, on se branche directement sur leur ligne dans l'armoire extérieure, c'est gratis.
— Ils ne sont pas mignons mes garçons, affirme Adrienne. Ah si leur père était parmi nous, comme il serait fier !
Les adolescents vont dans une autre pièce, et passent une pleine demi-heure à appeler leurs innombrables connais¬sances.
L'obscurité commence à s'immiscer dans la salle à manger, alors Adrienne se rend sur le palier, peu après la lumière jaillit, mais cela ne dure que le temps qu'ac¬corde la minuterie. La famille s'est branchée sur l'éclairage de la cage d'escalier. Et forcément, pour avoir de la lumière, il faut appuyer sur le bouton du minuteur, à chaque fois que celui-ci coupe le courant. Le manège est fasti¬dieux, mais en définitive peu oné¬reux.
— Dis donc Edith, tu n'aurais pas deux mille balles à me prêter ?
— Je ne sais pas, demande à Louis.
L'intéressé fait mine de ne pas entendre.
— Louis, tu n'as pas deux mille balles ?
J'aurai bien une balle à la rigueur !
— Bien sûr belle maman, je vais vous faire un chèque.
— Ah tu es un bon fils, viens que je t'embrasse ! Tu sais que tu peux compter sur moi, je te les rendrai.
J'attends encore les autres.
Le jeune homme se fait laper les joues.
— Bon, belle maman on va s'en aller.
— Attends soeurette, s'écrie Pat, il faut que tu nous coupes les cheveux avant de t'arracher.
Edith sort le nécessaire d'une trousse située dans le buffet. Les deux loulous en jean, santiags et blouson noir, passent chacun à leur tour sur la chaise. Les cheveux tombent sous le regard attendri d'Adrienne. Lentement la coupe à la rocker prend forme, Ed n'a pas perdu la main.
C'est enfin le départ, non sans que les garnements jettent quelques plaisanteries douteuses sur la cravate de Louis.

     Dans la veille Ford Taunus, sur le chemin du retour la discussion reprend.
— Ed, nous avons encore prêté de l'argent à ta mère, et comme d'habitude elle ne va pas nous le rendre. Tu sais bien que j'ai déjà pris sur le budget des vacances pour payer Violette, bientôt il ne restera plus rien.
— Tu es gonflé, c'est toi qui as accepté !
— Non, tu sais bien que je n'ose pas refuser, c'était à toi de répondre à ta mère.
— C'est ça, c'est encore moi la responsable de ton incom¬pétence ! Vous êtes témoins les filles, vous avez bien entendu votre papa dire oui à belle maman ?
— C'est Papa, confirment les fillettes à l'unisson !
— Vous voyez les filles, comment il est votre père. Isabelle dis-moi, tu préfères papa ou ta maman ?
— J'aime bien papa, mais c'est toi que je préfère maman.
— Et toi Hélène.
— Pareil qu'Isa, maman.
— Mes petites chéries !
— Tu ne devrais pas demander ça aux filles, c'est ignoble ; ce sont des enfants, elles ne doivent pas choisir...
— C'était simplement pour te rappeler que si jamais il y a un problème entre nous, les filles iront avec moi.
— Je sais bien.

     La journée du dimanche est monotone. Les filles s'amusent devant l'immeuble, avec quelques copines de voisinage ; Edith dort. Quant à Louis, pour se détendre il joue du piano. La musique réveille Ed, qui lui demande d'arrêter. Alors il se met au billard, un beau meuble de deux mètres vingt. Le jeune homme y joue seul, faute de partenaire. Son épouse ressort de la chambre, les cheveux en bataille, décré¬tant que l'entre¬choquement des boules l'empêche de dormir.
Le jeune patron irait bien faire une sieste avec sa femme, en commençant par un câlin, mais depuis plusieurs années, celle-ci refuse.
En désespoir de cause, il prend place à son bureau, sans toutefois se réfugier dans la programmation de ses ordinateurs. Le chat Moustache le rejoint quelques instants plus tard. Le jeune homme enserre l'animal, il se met à pleurer en silence dans la fourrure de la bête ; priant dieu que son chat n'ait pas un cancer, qu'il ne meure pas. Comment peut-on en arriver à aimer plus un chat que sa famille ? L'explication n'est-elle pas dans l'amour que lui porte l'animal ?

     Le lundi matin, en voyant les yeux rougis de son patron, Violette comprend que Moustache est gravement malade.
— Un cancer, ils appellent ça un lymphosarcome. Le vétérinaire lui donne six à neuf mois, et à condition de suivre une chimio chaque semaine, avec des ponctions dans la plèvre.
Edith est sortie, Louis va s'allonger sur le lit qui n'a de conjugal que le nom. Moustache le rejoint, se pelotonnant contre son maître. Le jeune homme pleure, le chat Moustache va mourir. Non... pas lui...
Vers onze heures, Vio réveille Louis, qui hagard demande ce qui se passe ?
— Je suis allée à la boîte postale, j'y ai récupéré un avis et j'ai retiré le courrier recommandé. Je pense que c'est important, la lettre provient des impôts : dans quinze jours on va se payer un contrôle fiscal !
"Se payer", c'était bien le mot, mais Louis ne pouvait pas encore dire quelle était cette odeur qui s'insinuait sournoisement...
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NOUVELLES TOME I

Recueil de nouvelles et de contes romancés (234 pages)

Quatrième couverture

Plein de nouvelles et quelques contes inédits, 23 au total, il y a de tout, pour absolument tous les goûts :o)
Le fauve ; Le roi de chats ; A la lettre ; Les droits de l'alcool ; Le chat et le chien (c) ; Le cirque débiloum ; Le pari ; L'arme de Râ ; La couverture (c) ; Le nouveau jugement de Salomon (c) ; L'inchassable ; L'invisible ; Laba ; La facture ; Le timide ; Le conte de la biche blanche (c) ; L'innocent ; Le procès ; L'enragé (c) ; L'éternel ; Le chanceux ; La chienne ; Le marché aux femmes

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Le nouveau jugement de "Salomon".

Inspiré d'un conte du moyenâge et de l’histoire sainte :

Un des jugements les plus célèbres, fut celui du roi Salomon, qui eut à résoudre un litige, dans lequel deux femmes prétendaient être la mère charnelle du même nouveau-né. Bien que le roi obtint, grâce à ce jugement tous les hommages, sa décision nous fait néanmoins trembler d'une peur rétrospective. Il faut se souvenir que le roi Salomon, avait décidé de trancher l'enfant en deux, pour en donner une moitié à chaque mère demanderesse. Or, au dernier moment, avant que le glaive ne tombe, une des deux femmes se jeta sur l'enfant, s'interposant entre la lame et le nouveau-né. Elle implora le roi de donner l'enfant entier à sa rivale. Par ce geste, le sage roi reconnut la vraie mère, celle qui préférait la vie à la mort de son enfant. Ce jugement est exemplaire en tout points, cependant, il n'est pas le seul de cet acabit, jugez-en par vous même :

               * * *

Isaac cramponnait de toutes ses forces la planche qui lui permettait de flotter sur l'eau. Quelques heures auparavant, son bateau avait fait naufrage en pleine mer, et il avait perdu toute sa cargaison. Mais il était en vie, et c'était le principal, pour l'heure. Son corps s'engour¬dissait peu à peu. Il imaginait déjà le moment où épuisé, il devrait lâcher la planche, pour s'engloutir à tout jamais dans les flots vengeurs. La seule force qui le maintenait encore sur la surface de la mer, était à n'en pas douter, sa rage d'avoir perdu son navire et tous les biens qu'il contenait. Mais après tout, des navires, il en avait d'autres !            
Alors que la nuit commençait à tomber sur la mer plate, soudain à l'horizon une lueur apparut. Isaac ne la distin¬gua pas tout de suite, mais comme elle se rapprocha, au bout d'un moment, il dût bien se rendre à l'évidence : un bateau venait. Le naufragé hurla de tous ses poumons, tant et si bien que les marins l'entendirent, et mirent le cap dans sa direction. Le naufragé n'y tint plus, transi de froid, à moitié mort d'épuisement, il perdit connaissance, juste au moment où un marin tendait vers lui une perche salutaire, munie d'un grappin.            
Le capitaine Sophocle ramena le naufragé au port. Il le déposa dans sa propre demeure, en attendant qu'il sorte de son coma. Quand Isaac reprit ses sens, plusieurs jours s'étaient écoulés, mais il était maintenant hors de danger. Ses souvenirs lui revinrent, ainsi que sa rage d'avoir perdu sa cargaison. Le lendemain de son réveil, il vit par hasard, le reflet de son image dans un miroir, et l'effroi le glaça, quand il s'aperçut qu'il lui manquait une oreille. Son hôte lui avoua qu'il lui avait malencon¬treusement arraché une oreille, en essayant de le hisser à bord de son bateau, à l'aide du grappin. Isaac entra dans tous ses états, insultant son hôte, le menaçant des plus terribles représailles. Puis, lorsqu'il retrouva son calme, l'idée lui vint, de demander réparation à la justice, pour son oreille arrachée. De la sorte, pensait-il, la perte de sa cargaison serait peut-être compensée. Des bénéfices étaient même à espérer, qui savait !            
Le tribunal faisait salle comble, toute la ville s'était donné rendez-vous, pour ce procès mémorable. Le roi entra, l'ensemble de l'assis¬tance se leva. Isaac fut appelé à la barre, d'où il se plaignit du mauvais traitement que lui avait fait subir son hôte, en lui arrachant une oreille, lors de son sauvetage. Il demanda après calcul, des indem¬nités bien supérieures à celles que lui avait occasionnée la perte de sa cargaison, espérant faire d'une pierre deux coups, en amassant quelques bénéfices. Le roi l'écouta longue¬ment, sans l'interrompre, puis quand le demandeur eut fini, le silence se fit. Le souverain baissa la tête, passant sa main dans sa longue barbe poivre et sel. Plu¬sieurs minutes interminables s'écoulèrent, pendant lesquel¬les la foule était suspendue aux lèvres du monarque. Enfin, le souverain parla, il rendit son jugement, qui était sans appel : "J'admets que tu as eu un préjudice causé par le capitaine. Cependant, je n'arrive pas à savoir, si en ne te secourant pas, tu n'aurais pas eu un préjudice encore plus grand ? Je te condamne donc à être rejeté à la mer sans secours, et si par bonheur pour toi, tu en réchappes, viens immédiatement voir mon grand trésorier, il te donnera l'indemnité que tu as demandée, et que je paierai moi-même" !

Fin.
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LE GAULOIS

Uchronie (pseudo-historique), aventure et fiction (272 pages)

Quatrième couverture

Alésia en l'an cinquante deux avant notre ère. Vercingétorix maître des Gaules aligne trois cent mille cavaliers, face aux seize mille légionnaires des quatre légions de Jules César. Seize mille Romains contre trois cent mille Gaulois. Vingt Celtes contre un Romain, et pourtant Rome va vaincre. Enfin, c'est ce que prétend la légende. Mais Enrix est là, avec la belle Fleurix, alors le cours du temps pourrait changer... Toute la question est de savoir si on peut modifier le passé, n'est-il pas écrit pour l'éternité ?

*

Prologue

Les journalistes font un brouhaha impres¬sionnant dans la salle de conférence, comme des écoliers dont le maître se serait absenté. Derrière sont postés les photographes et les cadreurs. La salle est bien éclairée grâce aux baies vitrées disposées sur les deux longueurs, rendant, durant la journée tout éclairage superflu. Au fond sur une estrade, une table avec une chaise semblent attendre leur conférencier.
Soudain le rideau de velours rouge s'écarte, un petit homme apparaît. C'est le professeur Edmond Ulritch, directeur de l'AME, l'agence mondiale pour l'espace. Les flashes crépitent, illuminant l'assemblée d'éclairs bleus et blancs. L'homme a la soixantaine, complètement chauve et porte des lunettes aux verres foncés, donnant l'impression de délimiter dans la hauteur, les deux parties de sa tête dénuée de pilosité. Le personnage habillé d'un costume au tissu à chevrons à dominante grise, avance à petits pas, il s'assoit. Peu à peu le silence se fait :
— Mesdames, Messieurs, dit le professeur Ulritch : je vais tout d'abord vous résumer les faits, et après je répondrai à toutes vos questions...
Il y a de cela une dizaine d'années, nous avons réussi à adopter une propulsion nucléaire pour les engins spatiaux, ce qui faisait gagner une vitesse importante. Presque simultanément les astronomes mirent en évidence les différences de structures du vide spatial. Cette découverte ressemblait à celle des rayons X qui permit de dévoiler le squelette humain. Les filtres relevant d'une technologie de pointe, dévoilaient le spectre du vide, qui, comme nous le savions déjà, n'était pas le néant, mais possédait une structure en vagues, que le monde scientifique appela "rayons temporels". Ces filtres furent baptisés "filtres à vide". Les engins spatiaux explorèrent donc ces structures, quand, par le plus grand des hasards, passant au sommet d'un des méandres, la vitesse de l'engin fut multi-pliée au carré. A bord du vaisseau ce fut la panique, et les équipes à terre, donnèrent à l'équipage, le seul ordre sensé en pareilles circonstances : tenter de repasser à l'envers. Mais malheureusement la vitesse crût davantage. En désespoir de cause, on tenta de passer dans un creux. Le miracle eut lieu, la vitesse diminua de façon similaire. Après maints essais, on put établir que dans n'importe quel sens, la morphologie convexe augmentait la vitesse, alors que les aspects concaves la diminuaient parallè¬lement. D'une part, les méandres étaient disposés régulièrement dans une trajectoire sphérique, rappelant celle de l'atome, et distants d'environ 20.006 kilomètres chacun. D'autre part, ces espèces d'atomes étaient orientées par rapport à une ligne passant par le centre de notre système solaire et celui de la galaxie.
Le professeur marque une pause, comme pour laisser ingurgiter cette masse de renseignements, ou satisfaire une sorte de narcis¬sisme. Il boit une gorgée d'eau, paraît la savourer en regardant les journalistes silen¬cieux, suspendus à ses lèvres...
— Ne me demandez pas comment ceci se peut ou encore fonctionne, nous n'en savons rien. Sachez que généralement les découvertes sont a priori le fruit d'un certain hasard, ce n'est qu'a fortiori qu'on peut les expliquer. Ceci n'a rien de surprenant, si on compare à des maladies graves actuelles ; on sait qu'en donnant à l'organisme tel ou tel produit, cela va être bénéfique, mais on ne connaît pas exactement le mécanisme, car dans l'affirmative, il suffirait d'appliquer l'opération inverse pour guérir avec certitude. Prenez encore l'exemple d'un automobiliste, il sait se servir de sa voiture, mais combien sauraient en construire une ? Et bien nous sommes pour l'instant dans un contexte identique, nous savons nous servir d'un phénomène naturel, que nous ne sommes pas capables d'expliquer. Par contre, vous vous en doutez, les scientifiques ne manquent jamais de théories, c'est d'ailleurs ce qu'ils font le mieux !
Des petits rires éclatent dans la salle. La conférence est retransmise en direct et en mondovision :
— D'autres vols spatiaux permirent de perfec¬tionner cette technique qui nous ouvrit pour la première fois, la possibilité d'envisager des vols hors du système solaire. Curieusement d'ailleurs, les changements de vitesses n'avaient aucun effet sur l'organisme des équipages, comme si la vitesse changeait sans aucune modification d'allure, ceci demeure un mystère de plus... Toujours est-il qu'en augmentant graduellement la vitesse, nous frôlâmes celle de la lumière. Et quand le vaisseau se posa sur terre, il arriva vingt-huit secondes avant d'être parti, en tout cas pour l'équipage. Du moins c'est ce que nous calculâmes, car la fusée ne revint jamais. Nous avions trouvé qu'en avoisi¬nant la vitesse de la lumière, il était possible de retourner dans le passé ; que plus le temps écoulé à cette vitesse était long, plus nous pouvions remonter dans le temps. Vous le savez je crois, nul n'a trouvé la façon d'en revenir !
Mesdames, Messieurs, je suis désormais à votre disposition, je vous écoute :
Personne ne pose de question, méditant respec¬tueusement sur les révélations ; enfin une femme se décide :
— Monsieur le professeur, étant donné qu'il n'y a pas de possibilité de retour, comment saurez-vous si l'homme qui est parti il y a deux jours dans... le passé, arrivera au bon moment ?
— Il est convenu qu'il nous laisse des traces à des endroits bien particuliers, qui demeurent secrets afin d'éviter que des personnes mal intentionnées ne les détruisent.
— Monsieur le professeur, poursuit un journa¬liste barbu, votre volontaire a-t-il subi un entraînement spécifique ?
— Tout à fait Monsieur, comme nous avons choisi la période du moyen-âge, il a bénéficié d'un entraînement particulier aux sports de combat, et à l'épée.
— C'est un militaire, est-ce bien cela ?
— Oui, absolument, nous avions eu plus de facilité avec l'armée, qui mettait à notre disposition des volontaires célibataires et orphelins, particulièrement rompus à toutes les épreuves qui peuvent attendre un voyageur du temps. Il s'agit d'un jeune commandant de trente-deux ans, le commandant Henri Blaincourt, pilote de chasse et d'essai, astronaute de surcroît.
— Professeur, demande un troisième journaliste, nous comprenons mal cette notion de déplacement dans le temps en rapport avec la vitesse de la lumière ; à notre sens ceci ne devrait être qu'une image, et non un élément physique ?
— Monsieur vous avez parfaitement raison. Je vais donc préciser le principe. Tous ici ont sans doute fait l'expérience d'entendre un bruit après qu'il se soit produit, n'est-ce pas ? Le plus typique est l'éclair de la foudre, que nous voyons, puis dont nous entendons le tonnerre, à raison d'un retard de trois cent quarante mètres par seconde. D'une part, nous entendons bien un son du passé, puisque l'éclair n'est plus visible, mais le son qui est le sien demeure audible. D'autre part, si nous émettions un autre son sur le chemin de ce premier bruit, avant qu'il ne nous parvienne, nous serions capables de modifier le passé du son. Ce qui démontre que les scientifiques sont nombreux à estimer que dans l'absolu, il n'existe pas de passé ni de futur, seulement un présent qui se positionne à des périodes temporelles différentes. Maintenant, venons-en à la lumière, vous savez qu'elle se déplace à trois cent soixante mille kilomètres seconde. Fort de cela, quand une étoile s'éteint aux confins de l'univers, nous voyons toujours la lumière de cet astre qui pourtant est mort. C'est exactement pareil pour le son. Ce sur quoi, je vous rejoins Monsieur, la lumière concerne le sens de la vue, et non celui du toucher. Par contre, quand nous avons atteint une vitesse proche de celle de la lumière, considérée comme vitesse absolue, nous avons traversé la trame temporelle sur une dimension physique. En outre, ce que nous considérons scientifiquement comme absolu, tel le froid ou la vitesse, sont des notions totalement relatives, qui ne justifient leur existence que faute de mieux. Ne me demandez pas pourquoi, nous ne le savons pas encore. Le temps parait voyager à la vitesse de la lumière si je puis dire, mais pour se synchroniser avec lui il faut être à sa vitesse. Je vais prendre un exemple, une balle de vingt-deux long rifle va à trois cents mètres par seconde, environ mille deux-cents kilomètres par heure. Vous ne la voyez donc pas ; faute de produire du bruit ou de la... recevoir, vous ne connaîtriez pas son existence. Mais si vous partiez en même temps que la balle et à sa vitesse, vous pourriez la toucher, la dévier, en modifier le cours, elle serait pour vous immobile, figée... D'ailleurs, n'avez-vous jamais roulé de front en vélo, que vous soyez à dix ou à vingt kilomètres heure, le tandem demeure immobile pour lui, mais pas pour les autres. Le cas du vélo est intéressant, il peut s'étudier sous un aspect différent : imaginons qu'un vélo passe devant vous, vous le voyez, c'est le présent ; peu après il disparaît, le vélo appartient à votre passé, mais si vous avez une voiture, vous le rattraperez, vous aurez schématiquement et physiquement remonté le temps, je dis bien schématiquement. Chaque présent voyage à une certaine vitesse, si vous atteignez cette dernière, vous le rattrapez. Mes explica¬tions sont certes caricaturales, mais c'est un peu le principe de l'expérience que nous menons actuellement. J'ajoute que chaque corps physique paraît laisser son empreinte dans la trame du temps, en l'espèce par des structures concaves et convexes. Le rythme de cette empreinte est de 18,6 fois par seconde, c'est-à-dire 18,6 Hertz. Ceci s'explique par l'énergie électrique universelle, qui, cadencée par les pulsars, donne cette fréquence inter-galactique. Nous pouvons en conclure temporairement, que chaque corps est dédoublé physiquement, environ dix-huit fois par seconde. Est-ce que ma réponse convient à votre curiosité Monsieur ?
— Je vous remercie professeur...
— Quand aurons-nous des informations concernant la réussite de la mission, interroge une jeune femme ?
— Bientôt Mademoiselle, bientôt je l'espère...
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LES PIRATES

Policier, aventure fluviale (200 pages)

Quatrième couverture

Elle regarde fixement le bouillonnement qui s'approche sur le flanc bâbord, puis une espèce de pique surgit de l'eau, on dirait un espadon, un espadon qui maintenant à des yeux lumineux, jaunes ; puis c'est le choc sourd, toute la péniche vibre, et le silence revient...

*

Extrait du chapitre III


A 16h30 l'écluse d'Evry est passée ; à 17h30 c'est au tour de l'écluse de Coudray d'être laissée derrière eux ; à 18h45 l'écluse de Vives Eaux est dépassée.
Vers 20h00 ils s'arrêtent de nouveau pour dîner dans le carré et regarder les informations à la télé, puis à presque 21h00 quand le jour devient sombre et que les feux de position sont allumés, ils se rapprochent de l'écluse de La Cave, fermée à cette heure là, ainsi ils seront en bonne position pour repartir le lendemain. Evidemment le service des écluses jusqu'à Montereau, pratique la régulation, c'est-à-dire le passage de nuit, mais il faut payer environ 30 Euros par écluse, et prévenir du jour de son heure de passage, ce qui est dissuasif.
Paulette est à l'avant, elle donne les directives à son mari à l'aide de l'interphone, tandis que son mari est demeuré à la barre.
Paulette scrute l'eau et la rive afin de diriger son mari, quand loin devant, l'eau devient comme en ébullition :
— Qu'est-ce que c'est, dit-elle à haute voix pour elle-même ?
Elle regarde fixement le bouillonnement qui s'approche sur le flanc bâbord, puis une espèce de pique surgit de l'eau, on dirait un espadon, un espadon qui maintenant à des yeux lumineux, jaunes ; puis c'est le choc sourd, toute la péniche vibre, et le silence revient...
René ne comprend pas ce que regarde sa femme, pourquoi elle ne le guide plus, et quand il entend le choc dans la coque, il comprend que quelque chose de lourd vient de les heurter, peut-être un tronc d'arbre, ça arrive. Le marinier coupe le moteur et lâche les trois ancres simultanément, pour ensuite se précipiter vers l'avant où sa femme regarde toujours à ras de l'eau.
— Qu'est-ce qu'il y a Paulette, crie René en courant sur le plat-bord ?
— Je ne sais pas, ça a fait "boum", ce n'était pas normal, on aurait dit un espadon avec des yeux éclairés, je n'ai pas eu le temps de l'écarter à la gaffe...
— Un espadon, ah bon, pourquoi pas, ben la lumière, je parie que c'est les feux de position qui se reflétaient dans ses yeux ?
— Je sais pas, j'ai peur mon René.
— Attends, écoute Paulette, écoute, c'est quoi ce "glouglou" ? C'est la cale je te dis, c'est la cale, on a une voie d'eau ! Remets le moteur en marche Paulette, j'arrive.
René se jette sur les écoutilles, les soulève, saute frénétiquement dans le blé en vrac, puis ressort de la cale, criant à l'intention de sa femme qui est dans la marquise :
— Paulette, branche un projecteur, apporte-le moi !
La femme arrive en courant, tout autour c'est la nuit, l'isolement. René arrache presque le projecteur de la main de sa femme, pour ensuite sauter à nouveau dans la cale, s'enfonçant dans la céréale mouvante, creusant le blé afin d'atteindre le fond, ce qui est vain, car le blé revient toujours à la même place, néanmoins, au bout de quelques minutes René parvient à toucher du blé humide, gorgé d'eau ce qui confirme la voie d'eau.
— On va couler mon René, demande Paulette pétrifiée ?
— Non on ne va pas couler, viens dans la marquise, répond son homme, qui réagit en professionnel.
Les deux mariniers, comme deux ombres fugitives courent vers la marquise sur le plat-bord, à ras de l'eau, déjà la péniche penche un peu sur bâbord.
René commande l'enroulement des trois chaînes d'ancre sur les treuils hydrauli¬ques, puis met machine en avant toutes, braquant parallèlement la barre à tribord. Le moteur poussé à 2.000 tours minute fait presque bondir la péniche vers la berge, au dernier moment, le marinier corrige la trajectoire trop perpendiculaire, contrebraquant la barre à tribord. On entend un bruit sous la péniche, un grincement, puis une forte secousse et plus rien, tout s'immobilise, le bateau est échoué à trois mètres de la berge.

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TRESORS ET CATACOMBES

Surnaturel, détection de trésors, aventure (234 pages)

Quatrième couverture

C'est un des plus grands mystères de Paris. Depuis des temps immémoriaux la butte Montmartre est l'œuvre de manifestations presque magiques: Déjà Denis, lui qui devint saint, y perdit la tête qu'il porta jusqu'à la future cité de Saint Denis. Et bien plus tard les abbesses y cachèrent leur trésor que nul ne retrouva. Quel est le vrai mystère des catacombes de Montmartre, à 130 mètres sous terre? Ne dit-on pas chez les initiés, que depuis les croisades, des tunnels relient Paris à Jérusalem et à Rome? La belle et ambiguë Marie-Noëlle, parviendra-t-elle à percer le grand secret, et surtout à accaparer le légendaire trésor des abbesses...

*

Jadis

L'aube de l'an 52 précéda l'ère de Christ, en ces temps, Vercingétorix chef des Gaules fut vaincu. Les Gaules furent démises devant le plus grand empire n'ayant jamais existé.
César vengeur franchit le Rubicon et s'écria "Alea jacta est" ! Rome lui interdit pourtant de dépasser cette fron¬tière liquide, mais le géné¬ral en chef revint en héros. Rome l'immortelle l'adula, comme personne ne le fut. Le futur empe¬reur et maître du monde savoura son triomphe...
Lutèce, la cité qui deviendra "Paris", se trouvait cernée de trois hautes collines : au levant, celle de Belleville que le soleil inondait de ses rayons d'or matinaux ; au midi, le voyageur venant du sud apercevait de loin la colline Sainte Geneviève ; enfin, au septen¬trion, la colline de Montmartre offrait une vue panorami¬que sur l'île de la Cité et le ruban gris de la Seine. Au midi et à ciel ouvert, on extrayait des plâtrières de Montmartre, le plâtre, ce matériau si cher à la construc¬tion.
Lorsque les premiers chrétiens arrivèrent, ils se servirent des carrières au gypse friable, pour soustraire leur vie et leurs biens aux persécutions romaines.
En l'an 250, le bon Denis, évêque de Paris fut décapité. Il emporta lui–même sa tête en marchant jusqu'au lieu de la future Saint–Denis. La butte devint le "mons martyrium", (le Mont des martyrs), donnant naissance à "Montmartre".
Le village indépendant prit forme, car les carriers demeurè¬rent sur place, des commerces s'ouvrirent, on déboisa.
La bataille des sites religieux débuta :
Au III ème siècle les romains construisirent sur la colline un temple dédié à Mars, le dieu de la guerre.

Mais au V ème siècle, les chrétiens gallo–romains, définitivement vainqueurs érigèrent une église mérovingienne sur les ruines du temple de Mars. Ensuite, en 1147, durant le moyen–âge, les bénédictins entreprirent la transformation du lieu mérovingien du culte, en y adjoignant un style gothique, afin de donner naissance à l'église Saint–Pierre de Montmartre. A la même époque, le couvent de l'abbaye vit le jour, se situant jadis où se trouve actuellement la place des abbesses. Le cimetière du calvaire jouxtait les édifices, dont l'un des côtés sera déli¬mité par la place du Tertre.
A la révolution de 1789, l'abbaye fut démantelée.
Vers 1900, les carrières s'étendaient sur trois niveaux et minèrent la butte. On décida de les combler avec de la terre et des gravats de remblai.
Pour finir, en 1917, la basilique du Sacré–Cœur fut achevée. L'édifice reposait sur 43 piliers plantés comme des pieux dans la fragile butte à presque 50 mètres de profondeur.
Les révolutionnaires ne trouvèrent jamais le trésor des abbesses, ni les objets de culte des premiers chrétiens enfouis dans leurs catacombes, ni les tombes du temple de Mars, qui par trois fois furent recouvertes par d'autres édifices.
Les carrières remblayées, le mystère demeurait.
Les plus avertis se demandèrent quel était le contenu des profondeurs de cette butte mysté-rieuse, chargée de 2000 ans d'histoire. Même le percement de la colline par la ligne numéro 12 du métro, au début du XX ème siècle, ne révéla rien.
Sait-on encore ce que recèle le ventre de Paris ? Le secret dort dans son caveau, enfoui dans les ténèbres d'une nuit éternelle, sous 130 mètres de terre, mais... peut-être plus pour longtemps.



Et quatre cents lustres passèrent

C'est le début de l'été, les arbres étalent leurs feuilles vertes, les moineaux s'en donnent à coeur joie. La saison cette année promet d'être chaude. Pour l'instant les touristes ne hantent pas encore la ville lumière, laissant comme un havre de paix.
L'ancien village de Montmartre, en bas, au Sud, est délimité par le quartier de la nuit, celui de Pigalle, synonyme de cabarets, de filles de joie et de lieux de plaisirs ; à l'Est il se termine par le quartier de Barbès où se mélan¬gent races et religions en un magma qui cohabite à distance ; et enfin au Nord le quartier de Clignancourt. Les espaces verts sont désormais insignifiants, la plus grande surface étant dévolue au repos des âmes dans le cimetière de Montmartre. De tous côtés les rues et les escaliers s'élè¬vent lentement vers la butte.
La face sud–est de la butte, l'accès le plus touristique, est desservie depuis Pigalle par le boulevard de Roche¬chouart aux boutiques de bibelots ; la rue de Steinkerque qui abrite les marchands de tissus monte lentement jusqu'au square Willette et au marché Saint–Pierre ; ici les prome¬neurs ont le choix de gravir les marches menant au sanc¬tuaire ou d'emprunter le funiculaire. La récompense est bien là : Montmartre, cette butte pittoresque où viennent s'échouer des myriades de touristes insatiables, comme autant de taches multicolores ; les bâtisses au style d'antan ; les échoppes de souvenirs, les tavernes ; la place du Tertre avec ses artistes peintres ; et puis le parvis parcouru inlassablement par les pigeons, à l'ombre dantesque de la basilique du Sacré–Cœur ; et cette vue imprenable sur la ville lumière, juste à ses pieds, presque palpable dans son atmosphère grise qu'inonde de clarté orange le soleil couchant.
Un autre lieu, presque un autre temps, une sorte de petit village où quelques villas avec jardin demeurent plantées comme des oasis de verdure, desservies par des rues étroites en lacets...

Marie–Noëlle regarde mélancolique derrière la vitrine de son échoppe, ses beaux cheveux bruns et courts aux reflets roux encadrent son visage d'ange à la peau mate, que ses 36 printemps n'ont pu marquer. Une robe à fleurs sur fond noir habille son corps mince, donnant davantage de hauteur à son mètre 63.
La vie de Marie–Noëlle n'est pas celle de tout le monde, et encore n'est–elle pas à son apogée. C'est une fille du sud à l'accent du midi, tellement belle qu'elle peut se passer de tout maquillage, elle vient de Bollène, près d'Avi¬gnon. A la fin de ses études à Toulouse, elle obtint une maîtrise d'archéologie médiévale européenne, parlant couramment le grec, le latin, l'anglais et l'espagnol. C'est à cette époque, qu'en fin d'études, âgée de 22 ans, elle fit la connaissance d'un étudiant, Georges, qui lui donna un enfant. Marie écarta le père, celui–ci ne se fit d'ailleurs pas prier ; c'est elle qui portait l'enfant, c'était donc le sien pensait–elle en femme. Isabelle, sa fille, atteint désormais ses 13 printemps. La mère et la fille sont insépa¬rables, deux complices.
Elles vivent à Paris, Rue de Steinkerque dans le quartier de Montmartre, tenant une boutique de détection trésoraire, l'affaire leur permet d'en vivre.

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L'OMBRE D'ALLAH

Aventure et catastrophe à partir de faits réels (228 pages)

Ceux qui ont vu, ceux qui ont cru à la fin de notre monde, pensent ne jamais connaître pire. Pourtant ils se trompent, ce n'était pas l'Apocalypse qu'ils ont vu, c'était juste la fin du paradis. Ce n'était pas l'enfer qu'ils ont vu, c'était juste quelques flammèches entraperçues. Dans le silence et le secret d'Allah, une menace imparable et bien plus terrible se dessine inexorablement. C'est comme si les dieux et les diables s'étaient unis. Comme si l'enfer et le paradis avaient passé un pacte maudit. Ce n'est plus qu'une question de temps...

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Fin du prologue


L'Amérique fière et impériale, la maîtresse du monde qui régit toute vie sur terre, va se trouver confrontée à l'Orient tout entier. La guerre sainte contre l'Amérique ne fait que commencer. Dans le silence et le secret d'Allah, une menace imparable et bien plus terrible se dessine inexorablement. C'est comme si les dieux et les diables s'étaient unis. Comme si l'enfer et le paradis avaient passé un pacte maudit. Ce n'est plus qu'une question de temps...


Chapitre I.

Dans la soirée Christian rentre chez lui. Enfin, chez ses parents. Le jeune homme revient de la mosquée. Il progresse à grands pas sur les trottoirs de Paris, finissant par arpenter le boulevard Ornano en direction de Clignancourt. Les boutiques sont fermées, à l'exception des sandwicheries.
Déjà les jours raccourcissent en cette fin de saison. La nuit de ce 11 septembre 2001 n'est pas une nuit comme les autres. Quelque chose a changé. L'obscurité naissante donne l'impression de gommer lentement les passants, pour mieux faire ressortir la blancheur crue des phares. Le trafic routier baisse en intensité. Les dernières autos s'enfuient de la capitale en un long serpent lumineux. Quelques personnes, quelques groupes discutent çà et là, donnant le sentiment de comploter dans la pénombre.
Christian pousse la porte d'entrée de son immeuble, qui se situe juste entre deux commerces. Sans faire de lumière, il monte quatre à quatre les vieilles marches usées et grinçantes de l'escalier. Au premier étage une senteur d'ail flotte dans l'air. La main du jeune homme trouve immédiatement la sonnette.
La porte s'ouvre. Les effluves qui proviennent de la cuisine se mélangent aux odeurs du palier, ça en devient presque agressif. Jamila, sa petite sœur, se tient dans l'encoignure. Elle sourit en voyant son frère. La lumière jaune de l'appartement inonde l'étroit palier, révélant la porte d'un autre logement. Jamila s'efface pour laisser entrer son aîné.
— C'est qui, Jamila ? Tonne une voix d'homme que l'âge a rendue rauque.
— C'est Cricri, répond-elle, en refermant la porte.
Le couloir dessert toutes les pièces. Sur les murs tapissés d'un papier vert bon marché, sont accrochées quelques photos en noir et blanc. A gauche, d'abord la salle d'eau au carrelage décollé, et les toilettes. Puis la salle de séjour où brûle de l'encens mélangé à la fumée des Gauloises du père. Et, tout à fait sur la droite, l'unique chambre.
— Tu as fait à manger ? Demande Cricri à sa sœur.
— Oui, tu as senti, répond-elle avec fierté.
— Hum, c'est très bien.
Chaque pièce possède une fenêtre donnant sur le boulevard Ornano, ce qui provoque toujours un bruit élevé venant du dehors, sauf peut-être à une heure avancée de la nuit. Christian entre dans la salle de séjour à la peinture défraîchie, suivi de sa soeur. Dans la pièce d'un peu plus de dix mètres carrés se trouve le père du jeune homme. La télévision déverse son flot d'actualités, le son est amplifié.
— Tu sais ce qui s'est passé en Amérique mon fils ? Demande le père dans un français à fort accent maghrébin.
— Tout le monde parle de ça, papa. A la fac, à la mosquée, dans la rue, partout...
— Tu as vu Cri... commence à dire Jamila, aussitôt interrompue par un geste de son père lui intimant le silence.
Le patriarche est assis dans l'angle droit du canapé, un canapé recouvert d'un tissu aux dorures élimées.
— Qu'est-ce qu'ils disent à la mosquée ? Interroge le père.
— Officiellement ils déplorent, répond Cricri, posant ses affaires sur le plancher dans un coin de la pièce. Mais, reprend le garçon, il y a plusieurs tendances, certains approuvent même.
Le fils parle un français parfait, témoignant s'il en est besoin, de l'exemplarité de l'assimilation de la seconde génération maghrébine.
Le vieil homme à la peau parcheminée semble réfléchir. Le lustre jette des reflets sur sa peau brune. Puis au bout d'un moment, durant lequel chacun est suspendu à ses lèvres, il relève sa tête aux cheveux gris et bouclés. Prenant un ton encore plus grave, comme s'il mesurait chacune de ses paroles, découvrant une dent en or que cachaient ses moustaches poivre et sel, il dit :
— Mes enfants, vous savez, je crois que c'est un grand malheur... pour nous, conclut l'homme en lâchant un nuage de fumée.

Le père d'origine algérienne vint en France à son adolescence, en compagnie de sa famille, lors de l'indépendance de d'Algérie. L'homme, encore traumatisé par ce drame qui parfois prit des allures de boucherie, ne baissa pas les bras. Il était Français, tout simplement parce que l'Algérie était naguère un département français. Il n'avait rien choisi en fait, aimait-il à préciser. Il devint Français et en assuma la condition jusqu'au bout. Or, injustement, ceux qui, comme lui voulurent vivre en Français, furent décimés en un véritable génocide. Un peu plus tard, il rencontra une Algérienne, sa première femme, qui hélas ne put avoir d'enfant. Une tragédie, peut-être encore plus grande pour des gens de confession musulmane, qui valorisent davantage la famille que les Européens. Cette union imparfaite déboucha inéluctablement sur un divorce. Une sorte de répudiation légitime. Il s'en suivit un second mariage, toujours avec une Algérienne, une veuve. Mais le temps avait passé, et c'était déjà bien tard dans la vie du père, que sa seconde femme lui donna deux beaux enfants : Christian, l'aîné, et Jamila, née six ans après. Le jeune homme reçut un prénom français, car son père voulait lui donner toutes les chances d'intégration. Mais quand la fille naquit, les choses avaient changé. Et dans ce nouveau contexte, revendiquer ses racines n'était plus handicapant. Ainsi la fille reçut un prénom arabe. La pauvre mère mourut de son second accouchement. Le père éperdu de chagrin ne se remaria pas. Il éleva lui-même ses deux enfants comme il pouvait, et il le fit remarquablement bien. Le père est désormais à la retraite, tandis que ses enfants sont encore scolarisés. Jamila est en terminale à dix-sept ans. Bonne élève, elle suit les traces de son aîné de frère. Quant à Christian, âgé de vingt-trois ans il est en cinquième année d'université, préparant un Master de volcanologie. Réalisant une passion que le jeune homme entretient depuis l'enfance. Toute la famille a épousé la religion musulmane. Cependant avec divers degrés d'assiduité, entre le père, non pratiquant, et la fille presque athée. Il ne reste que Christian qui suit avec toujours davantage de rigueur les préceptes du Coran, se rendant le plus souvent possible à la mosquée.

La petite famille s'assoit autour de la table rectangulaire. Laissant une place de libre pour avoir une vue sur la télévision, comme si elle était un membre du foyer. Ce soir chacun mange sans trop se préoccuper de ce qu'il y a dans les assiettes, écoutant la télé qui diffuse en boucle l'attentat à New York. Le père est hypnotisé par les images, tandis que la fille s'avère davantage interloquée. Quant au fils, ses lèvres dessinent une sorte de moue dubitative. Après un long moment, après que le repas fut pris depuis longtemps, Christian interrompt le premier la litanie que déverse la télévision :
— Le père, ça y est, je sais où je vais faire mon stage... en Espagne...
— En Espagne, répond le père, arraché aux images du petit écran.
— Oui, en Espagne.
— Tu as de la chance, dit Jamila, dont les grands yeux aux prunelles noisette sont émerveillés.
— En vérité ce n'est pas dans la métropole espagnole, c'est dans les îles Canaries, répond son frère.
— C'est où, ça, demande le père ? Scrutant de ses yeux noirs le visage de son fils.
— Je sais, je sais, explique Jamila, c'est à l'Ouest de l'Afrique du Nord, affirme-t-elle en secouant ses longs cheveux bruns et ondulés, qui encadrent son visage juvénile.
— Où ? Redemande le père, qui ne semble pas féru de géographie.
— Tu vois le Maroc, papa, et bien c'est à gauche, à l'Ouest, à... disons deux cents kilomètres de la frontière Sud du Maroc.
— Je vois mon fils, répond le père, alors tu vas là-bas ?
— Ben oui papa, je vais sur une des îles, l'île de Ténérife, à quatre cents kilomètres de l'Afrique.
— Ah, il y a plusieurs îles, rétorque le père.
— Oui, dit Jamila, la capitale est Las Palmas sur l'île du même nom.
— Bravo, répond Cricri, tu connais ta géographie. Je pars demain matin, complète-t-il, causant une sorte de consternation parmi les siens.
— Demain matin, s'étonne le père, mais ça ne te laisse que cette nuit pour te préparer ?
— Je n'avais guère le choix. Je n'ai pas tout compris. Je crois qu'une université allemande s'est désistée au dernier moment, donc c'était le tour de notre faculté. Mon prof m'a laissé le choix, je pouvais refuser. Le risque en n'y allant pas tout de suite, c'était que je ne puisse jamais y aller, car les places sont rares. J'en ai pour quelques heures, et je serai prêt demain, où est le problème...
L'étudiant ponctue sa dernière phrase en levant sa tête d'éphèbe aux cheveux blonds ondulés, un héritage de sa mère Kabyle, ainsi que ses yeux bleus, d'ailleurs. Le jeune homme n'est pas très grand. Il est mince avec le menton volontaire et le front haut. Quand il n'est pas rêveur, Cricri est souriant. Il sourit. Il charme de sa bouche large aux lèvres minces, qui montrent sa dentition éclatante de blancheur.
— Tu ne m'avais rien dit, fils !
— Mais papa, je ne savais pas, je viens de l'apprendre, c'est pour ma thèse de Master, je ne m'absente que quinze jours, juste quinze jours.

Jamila baisse la tête, elle est attristée. C'est la première fois que son frère s'en va. Son père comprend que c'est dans l'ordre des choses, l'oisillon commence à voler. Bientôt le fils partira définitivement du nid, dans deux ou trois ans... Le père est triste, mais il le cache afin ne pas gâcher la joie du fils, regardant fixement l'écran de télévision.
Pour Christian aussi c'est un déchirement. Toutefois le plaisir de voyager, de faire ses études, est le plus fort. Le côté insouciant de son adolescence est toujours en lui, une sorte d'égoïsme qui le rend euphorique.
Après les embrassades en forme d'adieux, alors que tous dorment, le jeune homme prend sur son sommeil. Une partie de la nuit il prépare ses affaires, remplissant son sac à dos. Le sommeil ne vient pas, l'excitation est trop grande. Tout juste dort-il deux heures, car il doit être à Roissy pour 7h00.
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Quatre romans autocensurés par les lois liberticides :
- La sidatrice
- Une balle de trop
- Le banquet des démocrates
- Le fisc, un ami qui vous veut du mal





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Cordialement.

Joe.



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